La fin du monde

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Trente ans de vie commune

Le premier jour
Il n'en avait pas conscience alors qu'il était en train de la tirer dans la charrette mais Dolores le suivait en flottant presque au-dessus de son épaule. Alors que la fin du monde était survenue quelques semaines auparavant, la jeune fille s'était réveillée juste au-dessus de son corps inanimé avant de voir qu'elle était désormais recouverte d'un halo bleuté. La jeune femme errait, cherchant une forme de vie humaine avant de tomber sur lui. Il devait avoir 13-14 ans a vue de nez et pleurait devant les ruines d'un manoir.
- hé, commença-t-elle de sa voix désincarnée, psst tu m'entends ?
La jeune femme fut surprise de la propre tonalité de sa voix. Elle n'avait rien à voir avec celle qu'elle avait avant. Douce avec un lourd accent gaélique. Désormais elle semblait spectrale. Presque comme un murmure. Donc il ne serait pas étonnant que l'adolescent ne tienne pas compte de ce qu'elle lui murmurait a l'oreille.
- Qui parle ? Dit-il cependant.
Le jeune homme se redressa en tournant sur lui-même alors que son regard émeraude balayait les environs.
- A ta gauche, continue Dolorès.
Elle n'avait aucune idée de ce qu'elle disait mais il se tourna pour voir un mannequin quasiment immergé sous les décombres d'un grand magasin.
- Mais qu'est ce que tu fais la toute seule ?
Le garçon se pencha pour l'extirper avant de la serrer contre lui. Comme s'il portait le poids du monde sur les épaules, il se laissa tomber en arrière pour commencer à sangloter sur la poupée.
De son côté, Dolorès se mordilla la lèvre alors qu'elle l'imita en venant se poser à ses côtés. La jeune fille n'a jamais été eu genre très loquace. De son vivant, elle bégayait, manquait d'assurance mais toutes ses appréhensions s'étaient envolées depuis qu'elle avait rendu son dernier soupir.
- Je fais comme toi. Je cherche des survivants
- Tu en as croisé ?
- Négatif. Nous sommes tous seuls. Je m'appelle Dolorès et toi ?
- Numéro cinq.
Un numéro ? En guise de prénom ? Dolorès fronça ses sourcils avant de se tourner vers lui. Comme c'était frustrant d'être aux côtés de quelqu'un sans pouvoir le toucher. L'Ecossaise n'a jamais été friande de contact physique. Mais elle donnerait tout pour sentir la chaleur de la peau de quelqu'un sous ses doigts.
Cinq quant à lui était perdu dans la contemplation du mannequin qu'il pensait être vivant. Après tout c'était numéro 4 qui entendait et voyait les morts. Pas lui. Peut-être que la solitude le faisait dérailler ?
- Pourquoi numéro cinq ?
- Je suis le fils de Sir Reginald Hargreeves. L'Umbrella Academy.
Il continua dans son récit. Lui narrant de sa voix douce les exploits de super-héros. Comment son père les avait appelé par des numéros. Qu'il avait voulu le défier mais qu'il avait sauté trop loin. Et que depuis l'adolescent se retrouvait bloqué dans un futur apocalyptique.
- Ton père est un monstre, commença doucement la jeune fille. Ma vie à moi est plus facile.
- Normal t'es un mannequin.
Elle eut un petit rire et fut surprise de le voir sourire. La rouquine tourna vers lui son visage avant de venir poser sa tête sur son épaule. Inspirant profondément, elle déglutit.
- Je n'ai pas toujours été comme ça. Je dois te dire que je suis bien différente normalement.
- Tu es comment ?
- Grande. Rousse. Bègue et légèrement potiche. Puis je suis morte et j'ai fini comme ça.
- Je suis devenu cinglé je crois.
Et elle se mit à rire. D'un rire franc et sincère qui vint attendrir le cœur si dur de l'adolescent rebelle.

Dix ans plus tard
Cinq avait désormais vingt-trois ans. Ses cheveux plus longs étaient ramenés en chignon alors qu'il tentait d'écrire quelque chose au mur.
- Et donc si selon toi je ne peux plus remonter le temps c'est parce que je suis à sec ?
Posée sur des débris, Dolorès le regardait alors que le mannequin qui lui servait de réceptacle était posée au-dessous d'elle. La jeune femme tentait toujours de comprendre comment le posséder pour pouvoir sentir les caresses de son compagnon sur sa peau spectrale.
- Tout corps a ses limites. Tu as dû tout épuiser d'un coup ?
Les discussions entre eux étaient parfois houleuses. Leurs caractères ne s'accordent pas toujours mais la douceur de la rouquine contribuait grandement à le calmer. Cinq de son côté pensait toujours que Dolorès n'était qu'un mannequin sans vie. Et donc que la voix qu'il entendait dans sa tête n'était que le fruit de son imagination malade.
Instinctivement il porta la bouteille d'alcool à ses lèvres avant d'en prendre une gorgée. Ce dernier brûla sa gorge et il se mit à frissonner alors que Dodo fit claquer sa langue de manière désapprobatrice.
- tu bois trop, mon amour.
L'amour. C'était bien ce qui les liait depuis qu'ils s'étaient trouvés. Si le monde n'avait pas connu sa fin; sans doute que la romance ne serait jamais née mais il n'avait fallu que quelques semaines aux deux adolescents pour s'avouer leurs sentiments.
- Je ne suis pas ivre, Dolorès.
S'il la voyait, elle a un œil perplexe. Mais pour toute réponse, la jeune femme qui n'avait pas vieilli contrairement à lui. Elle restait du haut de ses seize ans tandis qu'elle avait vu changer le corps de son conjoint avec un œil assez appréciateur.
- J'aurai préféré que tu sois à jeun pour notre anniversaire. Tu mériterais que je m'en aille.
- Notre anniversaire ?
Un soupir énervé lui parvient aux oreilles alors qu'il vint à réaliser.
- Ça fait dix ans que nous sommes ensembles ?! Oh merde, merde, merde.
Effectivement. Dix ans à le suivre en volant derrière lui, à le prendre dans ses bras spectraux alors qu'il dormait. Plusieurs fois, elle avait cru le voir frémir dans de faibles moments. Mais tout ceci sans avoir une incidence sur lui.
- Ok ok. Donc tu dois me dire un secret, mon ange.
Elle eut un éclat de rire qu'on pourrait interpréter comme cristallin aux oreilles d'autrui. Du moins pour Cinq il s'agissait du beau rire de l'univers.
- Je n'ai jamais été embrassée. Je ne pense même pas que j'aurai été ton genre si tu m'avais rencontré. Une vraie calamité. Et tu vois bien que j'ai toujours repoussé les avances d'autrui, le contact humain ne m'a jamais autant manqué. Je donnerai tout pour te tenir dans mes bras.
- Si tu étais vivante, je ne me poserai même pas la question: je t'embrasserai direct.
Si cela avait été visible, Cinq aurait vu Dolorès rougir. L'imagination du jeune homme tournait à plein régime. Il se demandait à quoi sa petite-amie aurait pu ressembler si elle avait été vivante. Il la savait rousse et grande mais de quelle couleur était ses yeux ? Son sourire ? Et avait-elle la peau douce ? Comme pour fêter cet anniversaire, il prit deux verres pour faire couler l'alcool dedans et but cul sec le sien.

From death to life {Five/Dolores}Où les histoires vivent. Découvrez maintenant