9 Septembre 1983 - 15h30 - Asile d'Arkham.
"Tout est prêt ?" Demanda la thérapeute aux gardiens.
"Il est prêt." Lui répondit le plus âgé.
Miss Jackson, une femme d'une corpulence osseuse perchée sur de hauts talons resserra machinalement sa queue de cheval. La quarantaine, les lèvres pincées et la coiffure tirée à quatre épingles lui donnant l'air sévère. Cela ne faisait que cinq ans que cette psychiatre travaillait à l'Asile d'Arkham, et pourtant elle était déjà physiquement et psychiquement usée. Usée par le système judiciaire plus que bancal et corrompu de Gotham. Éreintée de devoir gérer des patients toujours plus instables, dangereux et de plus en plus nombreux au fil des années. Sans compter les effectifs du personnel réduits comme peau de chagrin à grands coups de coupes budgétaires de l'État.
La thérapeute passa la porte blindée qui la menait à la salle où l'attendait son prochain patient. Elle prit le temps de respirer calmement avant d'entrer dans la pièce. Arthur Fleck, le Joker, incarcéré depuis maintenant vingt mois, était l'un de ses derniers patients. Un cas en somme plutôt classique pour une psychiatre de la trempe de Miss Jackson. Enfant maltraité, abusé physiquement et sexuellement, non retiré à sa mère puis abandonné par les services de santé mentale. Un homme trahi par la société dans laquelle il évoluait et qui avait sombré dans la violence pour seul moyen de se faire entendre.
Miss Jackson s'installa sur sa chaise, dans cette salle de soins bien trop blanche et impersonnelle. Face à elle, de l'autre côté du bureau, le Joker. L'homme était assis lui aussi sur une chaise, les poignets menottés. Au vu de ses cheveux bruns tirés en arrière qui gouttaient sur ses épaules, elle en conclut que les surveillants des cellules l'avaient obligé à prendre une douche. Les yeux mi clos, il gloussait, faisant cliqueter les fers qui le maintenait captif. Une journée qui démarrait de manière tout à fait classique songea Miss Jackson.
" - Bien. Comment ça va aujourd'hui ?" Engagea t-elle d'un ton qu'elle souhaitait le plus avenant possible.
Il ne répondit pas. Se contentant de ricaner à la question. Elle attendit, patiemment. Le Joker prit alors une grande inspiration avant de lever ses yeux vers elle. Son regard était froid, calculateur et sa jambe droite tressautait nerveusement. Un tic qu'il avait gardé de sa vie d'avant. Miss Jackson soutint le regard de son patient. En plusieurs années de psychiatrie, cela ne l'impressionnait plus autant qu'au début de sa carrière.
" - Pas pire qu'hier." Lâcha t-il enfin. Sa voix était rauque et gutturale.
Elle acquiesça en notant ces informations sur la fiche de suivi.
" - Avez vous pris vos médicaments ce matin ?"
L'homme se contenta de s'esclaffer. Sans joie ce coup ci. Les médicaments, il ne savait même plus combien il en prenait par jour. Cela devait se compter en dizaine sûrement. Il détestait cela. Il haïssait cette sensation désagréable d'être shooté constamment, d'être privé de ses réflexes et de ses pleines capacités cognitives. Les effets secondaires étaient en plus abominables.
" - Je crois bien que oui.
- Vous croyez ?"
Il la scruta en ricanant, un rictus à faire froid dans le dos sur le visage. Miss Jackson poursuivit sa prise de notes sans sourciller.
" - Qu'y a t-il de si drôle ?" Le questionna t-elle en réprimant un soupir de lassitude. La question revenait à chaque séance avec cet homme. Elle ne savait même plus pourquoi elle prenait du temps pour le lui demander, si ce n'est afin d'essayer de capter son énergie du jour.
" - Que dit le patient à son infirmière préférée ?"
Miss Jackson se retint de lever les yeux au ciel et attendit patiemment la chute de la blague. Le Joker s'esclaffa violemment, il serra les poings, ses ongles rentrant dans la peau tendre de ses paumes.
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Another Love
RomanceRose Davis est le premier amour d'Arthur Fleck. Lorsque Joker prend soudainement le contrôle de la vie de son amant, sa propre vie vole en éclats en quelques jours. Deux ans après les évènements du Murray Franklin Show, alors que Rose tente péniblem...