Je savais que cela lui ferait du bien, comme toujours. Nous sommes assis sur un banc, face à cette immensité brumeuse. Cam' n'a pas bronché cette fois-ci, je m'attendais à ce qu'iel gueule un peu avant d'accepter cette sortie nocturne. Ses cheveux en désordre, son teint clair démaquillé dénotent de l'image habituelle qu'il donnait à voir en société. J'apprécie être le seul à constater ces moments de faiblesse intime. Depuis l'instant où Mathieu l'a dégagé - c'est bien le terme - le gamin n'est plus comme avant. Bien avant la chute, son Coming-out avait refroidit Mathieu, qui l'avait effacé de l'émission et de sa vie privée. Elle avait commencé à se maquiller, porter des robes tandis que lui mettait des chemises, des pantalons... Cette « ambivalence » selon Math' détruisait l'ambiance générale de la série. Jamais entendu de plus conne !
Aujourd'hui, la peluche semble aller mieux. Je ne connais cependant toujours pas l'entièreté des circonstances qui l'ont amenée à emménager soudainement dans mon appart'. Lorsque la bichette est arrivée en larmes dans ma piaule, me disant que Mathieu ne la retenait plus dans l'émission, je crois que je n'avais plus d'autre choix. Ou bien avais-je l'intime conviction qu'en cas contraire, ce serait bien la dernière fois que je l'aurais vu. Cela était et sera toujours tout à fait inenvisageable.
On me pince la joue. « Putain, Cam' ! » dis-je, faussement agacé, tandis que la peluche éclate d'un rire doux et sonore. « Tu penses trop mec, t'es déjà bien assez ridé comme ça ». Il ne sait pas ce qui l'attend... Je lui dérobe sa boite de mochis, la posant au sol avant de le tenir par les épaules avec un large sourire, son visage de bienheureux me fixant toujours. Je sais à quel point il est sensible à ce niveau du corps. Il rit de plus belle lorsque je commence à le chatouiller. S'oubliant à moitié dans cette avalanche de rire, il tombe du banc et je m'écroule dans l'herbe avec lui, continuant ma douce torture.
Ses yeux pleurent, me suppliant d'arrêter ; il n'en peut plus. Cela m'amuse et je rit de bon cœur, lui tendant la main pour l'aider à se relever. Il rit avec moi. Lorsqu'il a terminé ses pâtes gluantes, nous rentrons enfin.
« Ça te plaît ? » Cam' regarde le miroir d'où se réfléchit une silhouette allongée. Cette jupe aérienne lui va divinement bien, sa couleur ambrée se mariant à la perfection avec la teinte de son maquillage. « Pas trop mal ». Il fait la moue. « Mh... ça fera l'affaire ! » Je ne peux réprimer un sourire, foutu gosse, va !
« Aide-moi à fermer ça au lieu de glander !
- Et si j'ai pas envie ? » Il hausse un sourcil, entre jouissance et agacement. C'est un grand jour pour la peluche, autant l'emmerder un peu.
« Allez, viens par là abruti... »Iel est enfin prêt quand nous sortons de l'appart une demie heure plus tard. Je l'ai vu s'entraîner comme un fou pour cette soirée et suis soulagé que tout cela soit bientôt terminé. Sa lèvre inférieure, marquée par de multiples morsures est perlée de quelques gouttes vermeilles. C'est une de ses mauvaises habitudes que je n'apprécie guère mais au vu de la situation, je ne crois pas avoir mon mot à dire. « Bonne chance gamin, montre-leur ». Il s'en va dans les coulisses tandis que je prends place dans la salle parmi les autres spectateurs.
Cela n'était pas arrivé depuis un sacré bout de temps : sa dépression le rendait totalement inenvisageable. Aujourd'hui et depuis que nous avons foutu le camps de ce joyeux bordel, tout semble aller mieux. J'attends bien une dizaine de minutes avant que le concert ne commence. Accompagnée des différents instruments et de l'acoustique particulière du lieu, sa voix sonne autrement et je me surprends à apprécier l'instant lorsque je crois son regard percuter le mien, un sourire accompli sur son visage de bienheureux.
Ce sentiment de bonheur s'estompe lorsque je croise la gueule de Mathieu. Je ne sais pas ce qu'il vient foutre ici, mais une chose est sûre, cela ne préfigure rien de bon...
Les chansons s'enchaînent et j'observe avec joie le bonheur et la grâce des artistes se déchaînant sur scène au rythme des paroles. Cet univers sombre, vif et chaleureux, cela devait bien trop lui manquer... C'était chose si rare de voir quelle énergie s'échappait de son corps, quelle passion infusait ses fluctuations de voix, quel charme se dissimulait sous cette joie incandescente... Camille.
Ce concert était un franc succès. Je ne peux être plus fier de cet abruti... et je crois partager l'avis du public. Plein d'une hardiesse intérieur, je me dirige vers les coulisses, où la star de la soirée doit encore se préparer pour l'after. Je l'imagine pleine d'entrain à l'idée de rencontrer tout ce beau monde, mais c'est une autre scène qui s'impose à moi.
« Merde, tu pouvais pas plus gâcher l'ambiance, toi ! » Je ne saisis pas tout de suite la gravité de la situation avant de noter la figure enragée de Mathieu, regardant l'artiste sans ciller. Qu'est-ce que cet abruti fiche encore là ? Sa réponse se fait sourde et suffisamment basse pour n'être entendue que de la peluche. « Ta gueule Mathieu ! » C'est à cet instant que je décide d'intervenir, me plaçant entre eux deux. Putain, c'est pas fini de se régler, leur conflit merdique... « T'as pas entendu ? Dégage vite fait ou je te colle mon pied au cul, connard ». Je dis cela le plus calmement possible cependant Mathieu ne semble pas enclin à me parler. Il tourne la tête vers le chanteur et je remarque les grosses larmes dévaler sur ses joues, puis son coup. C'en est fini pour ce salopard... Je lui rends la pareil avec d'autant plus de violence qu'il n'en a mise au départ. La lèvre de la chanteuse n'en finit plus de couler tandis que la joue de Mathieu s'enflamme par mon geste.
Avant de partir, Mathieu lance un regard acerbe à l'encontre de Cam' pour affirmer une dernière fois sans qu'aucun de nous ne l'interrompe... « Si tu avais été normal, rien qu'un peu, j'aurais pu t'aimer comme avant ». Sale con.
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Épilogue pour une seconde vie
Fanfiction《 Tous mes rêves sont en feu. Je suis seul à la maison. Il y a des moments de silence entre mes cris de sang et mes pleurs de rage, des moments de silence où j'entends ta voix parmi mes cris de sang et mes pleurs de rage. Je suis seul et tu es là, p...