CHAPITRE VI

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« Merde, Camille... » Cela ne devait pas se passer ainsi. Que dois-je faire ? La choupette sanglote sur le carrelage, son visage incliné vers le sol. Je suis hébété par la souffrance intérieure qui émane de son être comme autant de flèches incendiées s'échouant dans sa chair. Je suis immobile un moment tant la situation me semble fragile. Je sais qu'une erreur de ma part laisserait en elle des marques indélébiles sur son âme ô combien meurtrie.

J'avance dans le noir intense et profond de ses inquiétudes, tentant d’échapper vainement aux miennes en reflet. Était-ce une bonne idée que de la sortir du lit ? Je la prend dans mes bras, inconscient dans mon hybris comme un gamin éhonté.

Elle ne me repousse pas, au contraire intensifie notre étreinte. Je crois que je pleure. Ses perles salées dévalent de ses joues tendres et rejoignent les miennes sur le tissus marbré de ma chemise. Je me sens comme libéré d'un poids contenu si longtemps.

Bien qu'un peu emmêlée, sa chevelure est des plus douces entre mes doigts abîmés. Le touché de sa pulpe sensible marquée par de mats grains de sensibilité comble un instant le vide immense de nos larmes. Je la berce doucement dans une mélodie familière. Ma voix rauque ô combien disgracieuse en fredonne les paroles singulières quand nos corps assemblés miment sa mélodie.

Je suis enivré d'un parfum glaçant qui imprègne volontiers mon être. Ce parfum qui l'a toujours suivie. Je me délecte de sa présence, inspirant goulûment cet arôme sorcier. Ses muscles s'oublient à mesure que le temps passe, iel est à présent lové contre mon flanc, sa respiration délivrée de tout soubresaut. Nous apprécions l'un comme l'autre l'instant présent.

Le voilà qui reprend lentement ses esprits, il me regarde et sans besoin aucun de l'exprimer, je ressens toute la gratification qui brûle dans ses yeux. Entre nous, nul besoin de superflu.

En une fraction de seconde, tout est discordant. Cette douceur tantôt despotique s'annihile dans les gestes de ce dernier. Il fait une immense erreur en m'embrassant mais je ne peux lui résister. Pas maintenant. Ses lèvres dardent mon cou et calcinent la pulpe de ma peau, notre union se raffermit dans une hardiesse de baisers toujours plus fougueuse.

C'est fini, je le plaque au sol et resserre notre étreinte, percevant dans son corps toutes les vibrations violentes d'un désir impulsif que je ne peux refuser. Sa mélodie sensorielle résonne dans mes tympans et grise mon jugement. Je ne suis plus en possession de mon propre corps.

Nous le faisons, lui et moi, et partageons une nouvelle intimité qui m'était alors inconnue. Ses lèvres frémissent le long de mes hanches dénudées, je ne le retiens plus. Dans une indécente explosion de sensations il m'embrasse, me lèche et me suçote comme animé d'une envie incontrôlable de me posséder. Il goûte mon corps, l'avale et le broie.

C'est une première et je suis à la merci d'un putain d'adolescent incapable de gérer ses pulsions. Super, nous voilà bien servis...

La sensation en moi est plus que désagréable, son corps étranger me défait et ses mouvements ne font qu'aggraver cette sensation troublante. Si j'avais su que baiser provoquerait ce genre de sensations... Ce corps de fragilité m'irrite atrocement et j'abhorre autant que je subis cette sensation de contrainte. Rien n'est agréable en cet instant mais rien n'est éternel...

Cela fait, nous nous rhabillons en silence. Je m'arrange gauchement avant de me diriger vers la fenêtre pour fumer. L'odeur du tabac m'apaise et me donne la force nécessaire pour continuer la journée. Je garde cependant avec moi cette sensation fantôme répugnante dans mes étendues vulnérables.

Il a l'air de se sentir mieux depuis que nous l'avons fait, pour autant son attitude n'a pas évoluée à mon égard. Il m'a proposé de sortir avec des amis ce soir, nous verrons bien de quelle manière il se comportera. Cette sortie ne me réjouit pas le moins du monde.

La peluche se prépare dans la salle d'eau, la porte entre-ouverte. Je sens jusqu'ici les effluves sucrées d'une fragrance bon marché. Elle prend son temps, réajuste sa perruque et son maquillage tandis que je demeure sur le canapé du salon.

Enfin, elle sort de son antre et paraît face à moi dans une robe étoilée d'ambre et de lumières pareille à de la brume, voilée par un fin tissus doré. Ses épaules sont immergées sous une longue et annelée tignasse rousse.

Cette soirée ne m'enchante guère, Cam' parle et badine avec un groupe de garçons rencontrés tantôt, elle rit à gorge déployée aux bêtises de l'un d'entre eux, assez jeune et somme toute très attirant, considérant son physique avantageux. Je fais à peine plus attention aux jeunes femmes entourant ce dernier, cela me rend amer. Pour autant je me souviens de ces instants de grâce à l'époque où ces gamines appréciaient toutes le personnage que je jouais. Cette vision ravive en moi des souvenirs flatteurs d'une époque tout autant agréable, lorsque mon titre évoquait encore quelque-chose au regard du public. Je préfère ne plus y penser.

Un instant plus tard, ils se lèvent, tous deux hilares et retrouvent d'autres fêtards sur la piste de danse. Ce n'est pas fameux. Elle me lance un regard avant de quitter la table, je reste seul.

Épilogue pour une seconde vieOù les histoires vivent. Découvrez maintenant