CHAPITRE IV

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« Tous mes rêves sont en feu. Je suis seul dans la maison. Il y a des moments de silence entre mes cris de sang et mes pleurs de rage, des moments de silence où j'entends ta voix parmi mes cris de sang et mes pleurs de rage. Je suis seul et tu es là, plus seule encore.

Te remerciant - bientôt tu partiras, je le sais - je te promets des mots, je te réponds avec le besoin d'autres autres...

Te remerciant, je ne te dis mon malheur et il n'y a de moi que des cris de sang et des pleurs de rage. L'enfant que je suis. Tu t'en vas. « Ma... »

Mais l'on ne voit pas encore parfaitement à travers la place où je suis parfaitement encore, à travers la place où je suis toute la souffrance de mes cris ». Réveillé.

Ni lui ni moi n'avons bien dormi la nuit dernière. Deux vrais zombis dans un appart' de bonne. Pas lavés, pas coiffés, pas même rasés. Dans cette situation, ce n'est pas tant cela qui me préoccupe que les traces de morsures dentelant ses poignets. Ai-je cependant quoi que ce soit à redire au vu de ma situation ? Mes cicatrices sont certes moins récentes...

Il évolue devant moi sans me porter un regard. J'aurais pu crever sur place si je ne connaissais trop bien la raison de ce différend. La veille, il n'avait pas cherché à en savoir plus, ignorant les ténèbres qui m'occupaient si brutalement. Je n'avais toujours pas compris son geste et si j'avais bel et bien un faible pour lui, je ne voulais pas que cela se passe de cette manière, alors qu'il est toujours amoureux de Mathieu. Cela ne faisant que quelques mois tout au plus, il n'aurait pas pu l'oublier en si peu de temps... Il sort de la cuisine, habillé des mêmes fringues que la veille, une tasse brûlante en main, me laissant seul à nouveau dans le salon.

Je reste de marbre dans une salle qui ne m'appartient plus. Dans une pièce que je vois disparaître. C'est un vide affolant de tristesse qui me happe... Cela ne devait pas se passer ainsi, de cette façon. Je ne sais pas d'où sort ce rire amer. De lui sans doute, je préfère l'oublier. Il parle. C'est lui, cet homme.

« Tu veux simplement être aimé, n'est-ce pas ? Cependant tu le fais si mal... Est-ce tout ce dont tu es capable ? Eh, choupette - c'est ça ? - Monsieur j'ai-peur-de-l'abandon, que doit-on attendre d'un incapable dans ton genre ? La bichette, tu veux la protéger, hein ? »

MAIS C'EST TOI QUI LA TUE !

Je transpire. Cet homme - mon père, ou du moins sa voix, me semble enracinée dans la tête. Qu'on arrête cette voix ! Il imprègne mes pensées comme un germe toxique : je ne peux rien y faire. C'en est assez de cette pourriture.

« TU es la raison de tous ces maux, l'unique origine. Ta mère et moi aurions dû t'abandonner dès que nous en avions eu l'occasion. D'ailleurs, tu te souviens ?

- Putain, ta gueule ! Maman n'a rien à voir dans cette histoire ». Je suis effondré au sol, dans ma chambre, je crois.

« Tu t'en souviens trop bien... tous les jours, à chaque minute de ta putain de vie, tout te rappelle ta mère.

- Mais merde, je t'ai dit de la boucler ! » Je ne parviens plus à maîtriser ma voix. Elle sonne douloureusement familière aux sortir de ma gorge.

« Ce n'est pas ce que j'ai enten..d...u.. »

« Aliam ! » Gamin ? Je sens un linge humide et frais sur mes tempes. La peluche se tient face à moi, elle semble inquiète, pas la peine chou... L'ambiance, à chaque inspiration devient plus sereine. Une nouvelle crise, voilà tout. Le gamin fait son possible pour m'aider à me relever. Mon corps est raide, inhabile. Je le vois et un instant, ne le reconnaissant plus, tâchant de remettre en place tous les éléments qui forment sa silhouette. Il me faut un temps fou avant de remettre son visage, tendu par l'angoisse sans doute à la vue de mon état pathétique.

« Que s'est-il passé ? » Me demande-t-il alors que j'atteins douloureusement le canapé, m'y allongeant non sans complainte. J'ai frappé si fort le sol que la douleur ne s'éteint plus. Je ne sais quoi répondre. Maman, mon père, le procès... tout défile à nouveau dans mon esprit confus. Je ne suis plus qu'invalidité. Silence.

« Ma faute ?

- De quoi ?

- A cause de moi si tu as mal ? »

Je soupire. Non, bien sûr que non. Évidemment, elle se croira fautive de tous mes maux ; bichette. Ce n'est pas simple. Comment lui dire, comment lui expliquer cette enfance miteuse, un père abusif, une mère absente... Comprendrait-elle seulement mes raisons ?

« Comment peut-il comprendre si tu ne lui dis rien, mon cœur ? » Je deviens hébété en entendant ces paroles ; ce n'est que ma mère, sa voix. D'accord.

Épilogue pour une seconde vieOù les histoires vivent. Découvrez maintenant