« Ce n'était qu'un cauchemar, rien de plus ». Elle ne me croit pas mais devra s'en contenter. « Nous en parlerons plus tard ». Je la sens confuse, pour autant elle se contente de garder le silence. Camille, pourrais-je te dire ce qui me passe par la tête ? Je la regarde tandis que la même musique effleure le silence acerbe de notre demeure. Que pouvons-nous faire mis à part rester là et attendre ?
Je la vois toujours, assise à la fenêtre et riant comme elle riait souvent, le plissement dans l’œil, noyé par la voûte de son chapeau. Camille, ses flottements d'air, son sourire et ses couleurs. Je veux la retrouver.
Cependant, je ne sens que ses yeux qui me regardent. Ses yeux d'amande et de mer constellés qui me regardent. Ce n'était qu'un cauchemar, rien de plus. Et nous nous querellions en amont, devais-je m'expliquer ? « Écoute gamin, tout à l'heure, quand... enfin, tu- », il me coupe. « Pas besoin de t'expliquer Patron, je... tu as bien fait de me repousser si là n'était pas ce que tu voulais, ce que tu désirais vraiment, alors ne t'en fait pas ». Il me sourit sans les yeux.Était-ce vraiment ce que je voulais ? Depuis que lui- après ce qu'il m'a fait.... moi qui saisis à peine ce en quoi j'aspire, comment pourrais-je me faire comprendre ? Est-ce seulement possible ? « Ce n'est pas que je ne veux pas Camille, je... ne suis simplement pas prêt. Désolé ». Sa main repose sur la mienne quand son regard rencontre mes épaisseurs glaciales. Pas grave. Ce n'est pas grave. « Je comprends ». Il s'étend sur moi comme un glaçon à l'air libre.
« Maman ?... Non, laisse-la se reposer. Pourquoi elle pleure ? Maman ? » Je comprends enfin d'où viennent ces larmes. Petit à petit. « Gamin ? » Toujours à mes côtés ; j'essaie d'émerger doucement du sommeil. La peluche est assise près de moi, les yeux baignés par les doux rayons de l'après-midi. Il tient son téléphone. Des éclats par milliers baignent ses joues. La pièce entière est habillée d'un tendre voile orangé. Des gouttes d'or drapées se faufilent jusque dans ses plis luisants. Ce sont des larmes. D'où viennent-elles ?
Il tourne la tête. Ses yeux brillent si fortement que j'en oublie un instant tout le reste. « Mathieu est passé », il dit. Je suis perdu, comment cet idiot est-il venu jusqu'ici ? Pire, comment ai-je pu dormir si lourdement alors qu'il était seul avec Camille ? Il ne répond à aucune de mes questions et cache son visage dans l'humidité de ses paumes.
Il s'était maquillé les lèvres d'un orange saillant, relativement mal déposé puisque estompé à différents endroits. Ses perruques perlent à nouveau le sol. Mathieu a sûrement voulu changer « l'avis » de la choupette et voyant que cela ne fonctionnait pas- « il m'a frappé ».
L'enfoiré. Délié de toute la réalité acerbe et brutale s'étalant devant mon oeil humide, je ne remarque pas les nouvelles entailles sur son corps. De nouvelles dentelles de souffrance. Il tient un papier dans les mains. « C'est quoi ? » je lui demande. « Rien ».
Nos interactions sont minces et parsemées. Nous ne pouvons discuter sans que celui-ci ne trouve une excuse pour s'isoler dans sa piaule. Ajouté à cela cette nervosité, ses crises d'angoisses à répétition... je ne sais plus quoi faire. Voilà cinq jours qu'iel n'a pas enfilé une robe ou même une perruque. Cela m'inquiète.
« Choupette ?
- Mhhh...
- Tu as mangé ?
- Fous-moi la paix... ».Il replonge dans l'humidité brumeuse de ses draps sans me porter un regard. Comment peut-il vivre dans une chambre pareille ? Ce n'est pas une chambre, c'est quoi ? Un débarra. Un vrai bordel jonché d'ordures, de bouteilles vides ou fraîchement entamées. Fraîchement d'une ou deux heures, deux ou trois nuits... « Ça sent comme dans un cul de vieille ici ». Il grogne, je soupire.
« J'ai déjà mangé », il dit en pointant du doigt la masse rouge et bleue dans un coin de la pièce. « Des chips, c'est pas manger gamin. Viens avant que je ne te tire par la peau des couilles ». Il grogne à nouveau. « Me donne pas envie... ». Je quitte la chambre non sans ouvrir les volets, sous une symphonie d'insultes toutes plus originales.
Le voilà. « Enfin sur pieds ma belle ? ». Sans me répondre, il porte ses mains à son crâne, tentant d’étouffer une énième crise migraineuse. Je place devant lui une tasse fumante qu'il remarque à peine. Douleur. Il fond sur le carrelage de la cuisine, en larmes. Bon sang, que s'est-il passé ?
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Épilogue pour une seconde vie
Fanfiction《 Tous mes rêves sont en feu. Je suis seul à la maison. Il y a des moments de silence entre mes cris de sang et mes pleurs de rage, des moments de silence où j'entends ta voix parmi mes cris de sang et mes pleurs de rage. Je suis seul et tu es là, p...