Une enfance ni meilleure, ni pire, et pourtant...

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Je repense souvent à cette chanson de Johnny qui dit : « J'avais tout pour devenir quelqu'un, pour filer doux sur le droit chemin. Mais, j'avais en moi, je le sais bien quelque chose en plus ou peut-être en moins. »

Oui, j'avais tous les atouts en main pour devenir quelqu'un. Quelqu'un de bien comme on dit. Mais voilà quand on est jeune on calcule pas tout

Je me suis engagé sur un mauvais chemin. Le chemin où l'on croise toutes sortes de démons, chemin qui n'amène jamais rien de bon.

Issu de famille de petits bourgeois d'un côté et de classe populaire de l'autre, j'ai vite compris que « la réussite sociale » cache beaucoup de vices et de renonciations.

Mon père s'en est sorti, comme ils disent. Il a fondé une famille de 3 enfants mon frère ma sœur et moi. Il avait un travail, une voiture, tout pour être heureux selon les critères du monde actuel. Mais je le voyais rentrer tous les soirs, dégoûté, épuisé, frustré. Comme un certaine conscience d'avoir perdu sa journée pour gagner quelques lovés, une servitude pas tout à fait assumée.

Ce travail qui lui laissait très peu de temps à consacrer à sa famille, comment le considérer comme une bénédiction ?

Pas de l'amour, lui même n'en a jamais reçu, mais au moins du temps. Lui même en conflit interne du à une enfance malheureuse, gauchiste engagé mais tellement aigri et autoritaire en conséquence engagé plus par défi envers son réactionnaire de père mais à lafois reproduisant les mêmes erreurs d'autoritarisme et de fausse morale (conflit qui m'arrive également aujourd'hui à mon propre désespoir) Les malheureux font rarement des heureux...

Ma mère, en revanche, c'est elle qui m'a donné les valeurs d'humanité et d'amour qui me permettent de vivre encore aujourd'hui. Elle était d'éducation catholique (mon père, lui, de par son gauchisme, étant férocement athée) et ayant


12 L'Etat m'a tué

été proche du mouvement hippy je lui dois beaucoup. Mais justement c'est cette confusion entre la sécheresse de l'un et l'amour de l'autre qui a fait de moi un enfant instable, en manque de repères.

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Tout petit déjà, à l'école primaire de telle ville vers Marseillais, je trainais avec les pires, des graines de voyous que je retrouvai comme par hasard plus tard en prison, le monde est très petit. Partagé entre naturellement le foot et puis la baston, quelques petites conneries quelques tensions avec les maîtres. De toutes façons l'école ne m'intéressait pas, comme disait mon maître de CE2 « C'est pas qu'il a pas les capacités, c'est qu'il en a rien à foutre ». Pourquoi je trainais avec ces mecs là je sais pas déjà une certaine affinité avec « ceux qui ont dans les yeux quelque chose qui fait mal » ces asociaux que la société condamne mais qui au-delà de leur hargne ont un coeur gros comme ça, des espoirs qu'on ne les laisse pas réaliser car « non conformes » qui devienent vite désespoir. La dictature de la norme, quelque chose de terrible. Un jour ma mère me disait : «

- dis moi qui tu fréquentes je te dirai qui tu es

- je fréquente que des paumés et des repris de justice

- tu es le fils de ta mère »

Des paumés oui, des délinquants, des gibiers de potence tout ce que vous voulez, et pourtant mes seuls amis.

Vint alors un déménagement que j'ai mal vécu à 15 ans vers les Basses Alpes , changement de climat changement de mentalité et surtout la perte de ces copains si chers. Perdu seul sans ma « bande » je me suis retrouvé solitaire et taciturne. Comme pour m'en excuser je me glorifiais de cette révolte,

la qualifiant déjà d'anarconihiliste.Préparantun bac L et n'ayant plus de copains n'ayant que ça à faire je me suis réfugié dans la lecture comme un drogué dans sa came. Et quelle lecture : du

Victor Hugo du Rimbaud du Baudelaire du Proudhon, encore et encore l'appel de l'abîme. Fatalement ce qui devait arriver arriva, à 17 ans je me retrouvai en garde à vue à la suite de petites conneries qui méritaient pas ça.Pour moi c'était pas méchant, juste une fracture d'asociabilité qui se traduit en dérapages mais la "justice", bien trop souvent aveugle, l'a vu autrement ... A 17 ans je me retrouvai en prison première et sûrement la plus grande injustice qui me marquera à vie.

La société m'a tuéOù les histoires vivent. Découvrez maintenant