J'étais donc dans cette communauté en 2008, m'occupant de nombreux animaux certes, mais seul le soir à affronter mes fantômes. Si, je m'étais bien occuppé une semaine de 3 châtons que leur mère avait abandonnés, mais je les avais rendu à une chatte que je pensais être elle (et qui était en fait la chatte d'un pote pas trop content de se retrouver avec des petits en plus, mais après tout hein c'est elle qui est venue les réclamer).
Le meilleur pote de l'époque, Rémy, un petit foufou d'une vingtaine d'années originaire de Sumène à quelques kilomètres de là, vient boire le coup comme d'hab (ça ça y allait les apéro, ce qui d'ailleurs n'étaient pas du gout des responsables qui me reprochèrent plus tard d'avoir ouvert un "open bar" au sein de la com). Le Rémy donc me demanda: "Tu cherches pas un chien ?"
La vérité ça faisait un moment que je pensais en reprendre un, mon Pollux, croisé griffon épagneul français ayant été placé à mon incarcération quelques 4 ans plus tôt.
- Quoi comme chien ?
- Un mâlinois. Il a 6 mois mon petit cousin peut pas le garder il est trop vif.
Trop vif il avait pas menti...Avec mon accord il m'amena le clebs le lendemain dans son blouson sur sa mob, tout petit rat...qui me mordit quand je voulus le prendre à mon tour ! Aieuh !
Mais c'est qu'à la rue on sait ce que c'est que d'être blessé et méfiant, je décidai donc de le garder. A la base il s'appelait Brutus, son ancien maître eût voulu que je lui laissât son nom d'origine mais désolé gamin vraiment trop ridicule. Je décidai
de l'appeler Speedy, parce que en effet par son tempérament il était "speed" (vif), et également mais faut pas le dire parce que le jour ou je l'ai eu je tournais au speed (emphétamines) depuis une semaine.
Ah le Speedy, vu de l'extérieur un "dégénéré", Cévenol de chien, un chien dangereux que les bien pensants eurent bien fait abattre. Et oui je dois avouer que s'il a un bon fond, il est extrémement
paranoiaque, il a du mettre facilement 3 personnes par an depuis que je l'ai, je dois encore une amende (qu'il iront se faire payer chez les Grecs) à la "justice" par rapport au dernier gars qu'il a pessugué* [pessuc, morsure en patois]. Mais pour moi qui le connais bien, quitte à me faire une fois de plus l'avocat du diable (je l'ai toujours fait pour les humains, pourquoi pas pour un chien?) c'est un chien en or. Dès le deuxième jour je lui ai enlevé la laisse, considérant qu'un chien et a fortiori mon chien ça a rien à faire en laisse, c'est comme ton gamin ton gosse tu l'attache pas à une corde; il m'a suivi, en restant sur le trottoir comme par automatisme. Il m'a jamais abandonné dans le
froid dans la violence parfois du quotidien, à attendre parfois mes sorties de gardav, toujours là pour me consoler quand ça allait pas, un ami un frère réellement. Comme pour tous les enfants de la rue celui qui est là quand plus personne n'est là
avec sa personalité propre. 7 ans aujourd'hui que je l'ai, et toujours égal à lui même, nerveux oui un sale gosse, mais loyal et aimant.
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La société m'a tué
Non-FictionTémoignage d'un ancien sdf ancien détenu qui s'en sort aujourd'hui mais garde des séquelles de ses mésaventures passées. Format papier dispo aux Editions du Net sous le titre L'état m'a tué.