Chapitre 5. Fatigue et sensualité.

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Le surlendemain, le soleil estival était de retour, régnant seul dans le bleu pur du ciel délivré de tout nuage.

Mrs Taylor m'ouvrit la porte du manoir aussi rapidement qu'à l'accoutumée, mais ses beaux traits et ses yeux sombres me semblaient tristes.

— Bonjour, Aliocha. North ne voulait pas reporter votre visite mais il est resté au lit. J'espère que cela ne vous dérange pas ?

— Bien sûr que non. C'est encore une visite différente, positivai-je. Est-ce qu'il souffre ?

— Non, mais il subit les conséquences de ses douleurs. L'asthénie.

— Oh, il en a parlé. Il s'agit d'une fatigue longue et anormale. J'arrive pour le réconfort.

— Vous êtes gentil, murmura-t-elle, émue, les yeux brillants de larmes retenues.

Elle s'empara de ma main libre, si pâle entre ses longs doigts fins d'ébène, qui étaient si chauds.

— Merci pour North. Vous l'appréciez, n'est-ce pas ?

— Peut-être plus encore, avouai-je, en sentant mes joues devenir écarlates.

— Lui aussi, Aliocha. Il y a des regards, de part et d'autre, qui ne trompent pas. Entrez.

Elle me prit le sac frigorifique avec les tartelettes au citron meringué et me guida jusqu'aux appartements de North, comme l'on disait autrefois. Je savais que, par pudeur, elle me dissimulait son émotion en marchant devant et me permettait de cacher la mienne en me laissant derrière.

La chambre de North était somptueuse. Littéralement somptueuse, et immense. Avec un vrai lit à baldaquin au milieu de la pièce, contre le mur gris et or. Les tentures, relevées pour la journée, étaient dans un tissu satiné et fleuri délicatement. Les meubles, commode et bureau, étaient finement ouvragés. J'aperçus des peluches sur le coffre au pied du lit, et des piles de livres un peu partout, bien rangées. Dans un coin, se trouvait un fauteuil roulant noir, avec une allure aérodynamique montrant sa grande qualité. Il paraissait minuscule dans cette grande pièce, comme les béquilles juste à côté.

North remonta sa couette à mon entrée. Ses beaux traits distingués me parurent fatigués, mais ses yeux brillaient sous ses cheveux blonds.

— Je porte mes attelles de nuit. Elles évitent que mes pieds se courbent vers l'intérieur, mais elles sont d'une laideur indicible, expliqua-t-il.

— Elles ne me dérangent pas. Tu vas avoir chaud, fis-je remarquer.

— C'est climatisé, rétorqua-t-il avec un sourire innocent.

— North, te libérer commence par repousser ta couette. Ne laisse pas davantage passer le temps. On a dit qu'on ferait quelque chose, non ?

— Si.

— Tu ne te cacheras plus parce que tu as un handicap et que tu es gay. Ton père pense que tu dois rester ici pour ces raisons, solitaire et célibataire, eh bien non.

— Maintenant que tu en parles ... Mon frère et ma sœur ont contracté des mariages arrangés. Si mon père était pour le mariage gay, il m'aurait casé avec le fils de l'un de ses amis, ricana-t-il. Mais il y a toujours l'obstacle du handicap.

— Pour lui, pas pour nous.

— Qu'est-ce que vous souhaitez boire, avec les tartes au citron meringuée ? s'enquit Mrs Taylor.

— Je n'ai pas très faim, mais j'aimerais un jus de fruits frais, s'il vous plaît, demanda North.

— Vicky préparera des smoothies et coupera votre part de tarte en deux, proposa la gouvernante, en regardant North avec tendresse.

Laisse le soleil réchauffer ton âme, roman édité, cinq chapitres disponiblesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant