Chapitre 2. Le manoir Rosefield.

301 70 138
                                    

J'avais l'impression d'avoir été acheté pour ma compagnie. Cependant, c'était loin d'être déplaisant, bien au contraire. Je préférais être acheté pour ma compagnie que pour autre chose, comme autrefois. De mon plein gré dans les deux cas, mais North donnait une autre dimension à notre "contrat". Une dimension infiniment agréable et totalement différente.

Rosefield était le nom de famille de North mais aussi celui du manoir, comme indiqué au-dessus du portail ouvragé, qui s'ouvrit automatiquement. Il était pourvu d'une caméra.

L'ardoise, le blanc et le gris bleu dominaient la façade et les toitures, typiquement victoriennes. Cette architecture, qui avait émergé durant le très long règne de la reine Victoria au Royaume-Uni ( NDA : de 1837 à 1901), avait atteint les USA à la même époque et avec le même enthousiasme romantique.

Comme une pièce montée aux multiples détails, le manoir était aussi beau que difficile à décrire. J'en avais vu de semblables à Los Angeles, plus colorés pour correspondre à la ville, mais aussi à San Francisco, les fameuses old painted ladies. Plus rarement dans des petites villes côtières, et encore moins aussi grands et isolés au cœur d'un grand domaine, comme jadis au Royaume-Uni.

Certains éléments du manoir saillaient par rapport à d'autres. Ceux qui étaient mis en avant possédaient des colonnes sculptées autour des grandes fenêtres. À l'arrière, il y avait une tourelle avec sa toiture indépendante et devant, des corniches et des pièces de bois richement travaillées, au-dessus des nombreuses fenêtres et de la porte d'entrée. Même les pignons étaient ornés d'ouvrages fins et délicats. J'aurais pu passer des heures à observer tous les détails de ce sublime manoir asymétrique. En très bon état, la toiture et les peintures avaient dû être refaites plusieurs fois et sans doute que l'intérieur avait lui aussi été modernisé au-fur-et-à-mesure du temps.

Je garai ma Toyota dans l'allée, entourée par un jardin luxuriant empli de roses dont le parfum passait à travers ma vitre ouverte, et de multiples buissons taillés. Je supposai qu'à l'arrière, il devait y avoir bien plus d'espace. Je pris sur le siège passager le sac frigorifique bleu et rose avec la silhouette noire de chat, fermai la portière en laissant les clés sur le volant et je me dirigeai vers le porche. Ce dernier était pourvu de marches d'un côté et d'une pente douce de l'autre, idéale pour les fauteuils roulants ... et ceux qui n'aimaient pas les escaliers.

Je jetai un bref coup d'œil à mes vêtements avant de sonner, puisque North aimait ma façon de m'habiller. Je portais une chemisette d'été abricot en mousseline, un nœud bleu ciel toujours aussi négligemment noué, qui s'accordait avec les rayures de mon bermuda blanc et bleu en lin.

La porte s'ouvrit sur une femme noire, mince et distinguée, dans la cinquantaine, avec un chignon au-dessus de son beau visage altier, et un ensemble composé d'une jupe et d'un chemisier parfaitement coupés.

— Vous êtes Aliocha Egorov ? s'enquit-elle très poliment.

— Tout à fait, répondis-je, affable. Je viens de la part du "Chat qui pâtisse", ajoutai-je, pour donner une allure professionnelle à cette présentation.

— Bienvenue, M. Egorov. Je suis Mrs Ellen Taylor, la gouvernante du manoir Rosefield, m'apprit-elle avec un sourire.

Une gouvernante, donc. Tout comme il y avait des majordomes. Il me semblait qu'ils étaient au-dessus des autres employés.

— Je gère le domaine et le personnel, précisa-t-elle, comme si elle avait deviné ce que je me demandais. Je vois que vous avez pris soin de protéger les gâteaux de la chaleur, souligna-t-elle ensuite. Puis-je les mettre au frais en attendant de les servir ?

Je lui tendis le sac frigorifique et elle me sourit.

— Venez, me dit-elle.

Le hall s'ouvrait sur un double escalier en marbre blanc veiné de gris, d'une taille impressionnante. Les décorations et les tableaux étaient presque trop nombreux, à m'en donner le vertige. Pourtant, l'ensemble donnait l'impression que tout était à sa place.

Laisse le soleil réchauffer ton âme, roman édité, cinq chapitres disponiblesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant