Retour d'expérience #1 - Mes prologues

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Cette fiche ne dévoilera aucun spoiler.

Plus d'une personne (deux ! XD) ont trouvé qu'il manquait de la personnalisation à ma première fiche de conseils. N’hésitez pas à me dire si « personnalisation » n'est pas le terme auquel vous auriez pensé ?

La plupart du temps, j'aborde en effet mes conseils de façon assez factuelle et détachée de mes anecdotes d’auteur. C’est ainsi que je donne des conseils et suggestions en projets d'entraide. J’essaye de limiter les exemples liés à ma façon personnelle de procéder, car elle est plutôt minoritaire. Et si vous avez l’idée saugrenue de vous servir de mon expérience, le conseil le plus important à retenir : ne faites pas comme moi. Ça a l’air cool au début, mais c’est juste prise de tête. (Ceci était le TW/avertissement de début de chapitre.)

J’écris mes histoires de cette façon parce que j'aime m’amuser et qu'en ce qui concerne certaines choses non amusantes, sauf à changer totalement ma personnalité, je n'ai pas le choix.

Mes prologues servent tous une intrigue bien définie et une structure travaillée pour modifier la perception du lectorat sur les personnages principaux et sur certains événements. Mes prologues ne sont pas là pour faire joli. Deux sur les quatre sont indispensables aux histoires. Les deux autres m’amusaient et manipulent les attentes du lectorat.

Commençons par le plus gros morceau, le plus ancien, le plus indispensable, mais aussi le plus incompréhensible de mes prologues.

Voici un exemple du Cas 3 de ma fiche précédente : le prologue qui se passe après (bien après) l’histoire qu’on commence au chapitre 1. Le prologue de La prunelle de vos yeux.

Ceux qui ont lu le tome 1 (pas encore fini) connaisse la bestiole. Pour les autres : La prunelle de vos yeux est une saga de science-fantasy sur les rêves et les regrets, le pouvoir et les responsabilités, la magie et la haute technologie, l’amour et l’addiction. Bourrée de clichés ironiques (les élus orphelins, l'ombre et la lumière, la nerd et le bad boy, l’école prestigieuse de riches, et j'en passe), avec une narration parfois pompeuse à l’extrême, et des effets de style ou de rythmique qui balancent sans prévenir le lectorat dans un abîme de perplexité.

Ce qui me titille le plus, c’est que mon prologue est pourtant le long avertissement sur tout ce qui attend le lectorat. Le fait que dans les notes j'aie dit vouloir surprendre n’empêche pas qu'il y a eu plus de 2000 mots d'avertissement : la totalité de mon prologue. C’est la première fonction de ce prologue.

En parallèle, il met en place une structure indispensable à la suite : l’histoire est racontée par un personnage. Il ne faut donc pas oublier que la narration est subjective, voire manipulatrice. Surtout quand on a lu la description du narrateur, et quand on découvre son caractère « particulier » au fil du… fil rouge qui se déroule le long du tome 1.

Il y a cependant des indices pour éviter de tomber dans la manipulation du narrateur.

Le prologue répète ainsi certains termes et certaines thématiques, qui seront repris tout au long de la saga. Ou qui font carrément référence à certains de mes concepts fantasy, imaginés pour cette saga. Ces concepts seront dévoilés et expliqués en temps voulu. Dans le prologue, ils sont seulement sous-entendus par certaines extravagances littéraires : la fameuse rupture de temps (le lectorat est presqu’aussi partagé sur mon choix grammatical que les autorités religieuses sur les interprétations de certains textes) ; le fait que mon narrateur, qui est un personnage, semble omniscient pendant certaines séquences de narration y compris avec l’autre personnage du prologue ; le fait qu’il déclare à cet autre personnage que les histoires prennent vie ; même le fait que le narrateur se présente en donnant mon pseudo.

On n'improvise pas ce genre de prologue. Comme je l'ai dit dans ma fiche de conseils : ayez au moins en tête toute l'intrigue principale de votre roman si vous faites un prologue de Cas 3. Vous pouvez sans problème broder sur les intrigues secondaires après l’écriture de ce prologue. En revanche, n'écrivez pas un prologue se passant après l'histoire si votre intrigue principale n'est pas totalement définie ! Je peux m'amuser à faire ça pour La prunelle de vos yeux car je la connais par cœur. L'histoire qui sera racontée (environ 300 000 mots prévu) a vingt ans. Oui, elle est plus vieille que certains de mes lecteurs.

Troisième fonction de mon prologue : décourager les lecteurs occasionnels. Voici pourquoi je vous recommandais d’éviter de faire comme moi. Je crois comprendre que vous souhaitez attirer le plus de lecteurs, non le contraire.

Qu'on soit bien d’accord : je ne dis à personne « Ne me lisez pas ». Je ressens beaucoup de joie et de reconnaissance à chaque fois que quelqu’un me fait part de son enthousiasme pour mes histoires. Je ne veux cependant pas faire perdre leur temps aux personnes avec des goûts déjà bien définis et qui ne souhaitent en aucun cas changer leur menu quotidien.

Mes sagas utopiennes, et surtout mon labo d’expérimentations qu'est La prunelle de vos yeux, sont des gros plats de résistance : beaucoup de nouveaux concepts magiques, des sujets psychologiques et sociaux lourds, des personnages très complexes, plusieurs histoires imbriquées, une narration au vocabulaire précis avec peu d’explication. Et si, en plus, on rajoute mon envie de m'amuser avec des essais de rythmique et de stylistique… ce n’est simplement pas au goût des lecteurs occasionnels. Dans ce cas, pourquoi chercherais-je à obtenir un pic de lecture sur des premiers chapitres très accessibles, avant le lent et douloureux déclin progressif qui ne manquerait pas d'arriver, au fur et à mesure de l’avancée de mon intrigue torturée ?

J'ai donc choisi de faire en sorte que la narration de ma saga soit de plus en plus accessible. La forme est complexe quand au début les sujets sont moins graves, elle deviendra plus accessible quand on abordera les sujets très limites. Mon lectorat aura eu le temps de se préparer à percevoir ces sujets d'une certaine façon, que j'ose espérer plus saine que si j’avais appâté le chaland avec un premier tome plus accessible.

Il est aussi très important de savoir que je ne cherche pas à faire éditer La prunelle de vos yeux. De tout façon, aucun éditeur digne de ce nom n'en voudrait : c’est invendable. Cependant, je veux rendre la saga intéressante et divertissante à lire, pour ceux qui aiment les narrations et les personnages atypiques. Je prends donc régulièrement la température au niveau info-dumping (à éviter) et impression sur l'intrigue fantasy. Mais par pitié : lâchez-moi les baskets avec la personnalité d'Ashley ou même son prénom.

Ma grande fierté : les rares personnes qui m'ont dit avoir dégusté avec plaisir le plat que beaucoup ont trouvé indigeste ! Je souhaite aussi vous donner envie de relire. Et, à chaque relecture, que vous découvriez de nouveaux indices, des surprises là depuis le début, qui n’attendaient que vous. Pour moi, ça vaut bien plus qu'avoir mon nom sur des reliures de plaques d'arbre mort et injectées d’encre.

Avant d'aborder mes trois autres exemples de prologue, heureusement moins bizarres, une question qui appelle une réponse sincère : voulez-vous la suite de cette fiche ? Sans commentaire de personnes intéressées, je nous épargnerai tous – à moi du temps (gagner du temps, c’est important quand on est vieux) et à vous une notification inutile dans votre compte WP.

Le trésor du rat de bibliothèque (Concours, Conseils, Critiques de livres)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant