난 문득 자메서 깨

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Paris, 26 décembre 2021
09h34

   Le sommeil, aux yeux d'Alice, n'était ni plus ni moins qu'un enfer qu'elle devait subir chaque nuit. Les années qu'elle avait passées à dormir paisiblement semblaient si lointaines qu'elle doutait qu'elles aient réellement existé. Autant dire qu'elle ne dormait pas beaucoup. Ses cauchemars se faisaient récurrents et, parfois, elle songeait à s'endormir sans ne plus jamais se réveiller.
   Mais elle levait les yeux au ciel, donnait une autre chance à la vie, priait la voûte céleste de lui accorder le repos. Les étoiles la regardaient alors et chantaient, avec une douce voix, une berceuse qui l'endormait. Mais son cœur, rempli de remords, ne savaient que ronger son âme comme un parasite du temps.
   Les journées étaient longues, et son sommeil, aimablement accordé par Morphée, était consommé par les autres dieux de l'Olympe comme un nectar né des fleurs de la peur et du manque.
   Il lui sembla alors qu'elle n'avait jamais connu le repos. Et pourtant, les dieux savaient qu'elle en avait besoin. Mais il semblaient s'acharner, du moins, de ce qu'elle croyait.

   Ils lui avaient offert, en compensation de ses pertes lui paraissait-il, le non désiré don de la vue saillante. D'un seul regard, Alice croyait pouvoir remarquer chez quiconque l'amas d'ombres enterré sous un air de bienveillance.
   Alice pensait être clairvoyante, les médecins la savaient paranoïaque. Elle les avait écouté exposer leur diagnostic, mais la peur de sortir de la normale l'effrayait.
   La peur de devenir folle, que les anciens temps qu'elle chérissait ne se dissolvent dans un verre de calmant.

   Une odeur de croissant chaud la réveilla subitement et elle se crut alors adolescente, elle espérait voir le chemin se terminer, que ses pleurs, enfin, seraient essuyés par les mains douces de sa mère.
   Mais elle vit sa valise, ses affaires de la veille entassées à côté de son lit.
   Et elle sentit alors le froid glacial d'une larme glisser sur sa peau.

   Dans son lit double d'une chambre cinq étoiles, Taehyung rêvait calmement. L'oreiller doux avait pris la forme de son visage et les anges, perchés au-dessus de lui, s'adonnaient à l'extase devant son expression endormie.
   Taehyung était adoré des dieux. Il avait eu une enfance simple mais plutôt heureuse et, sans même qu'il ne s'en rende compte, les années étaient passées et il était devenu connu du monde entier. Cependant, et bien que reconnaissant, il n'aimait plus les choses à leur juste valeur : un restaurant gastronomique n'était désormais plus qu'un restaurant banal. Maintenant qu'il pouvait tout acheter, le monde semblait avoir perdu sa saveur.
   Plus personne ne semblait capable de lui offrir quelque chose qu'il ne pouvait pas avoir de lui même. C'était son plus grand regret.
   Mais il aimait sa vie. Ses parents étaient fiers de lui.

   Pourtant, dans son rêve, Taehyung était troublé, pour la première fois depuis longtemps. Il voyait une jeune femme avec des cheveux châtains, brillants sous toute lumière, et des yeux d'un vert de jade, remplis d'étourdissement, s'en aller au loin. Il baisse la tête, se baisse lui-même, ramasse un passeport et l'ouvre... Dans la foule, la femme se confond, lui se noie... puis se réveille.
   Devant ses yeux, sur la table de chevet, demeurait un carnet marron, serti du faisceau des licteurs.
   Il n'en croyait plus sa vue, se demandait s'il était réveillé. Cependant, le soleil pointant ses premiers rayons orangés à travers les rideaux avait l'air si réel... Mais c'était trop tôt, bien trop tôt pour se réveiller, selon la devise qui disait que la santé appartenait aux lève tard.
   Il avait beau fermer les yeux, il ne voyait qu'elle.

   Elle avait beau essayer de passer outre, elle continuait d'entendre les crissements de pneus de la rue, quand elle fermait les yeux.
   Elle ne connaissait que les traumatismes et le vide intérieur. L'impossibilité de se lever le matin par peur d'affronter la réalité. Le semblant de vie qu'elle menait ne tenant qu'à un maigre fil se balançant dangereusement comme le pendule d'une vieille horloge, rouillée par le temps.

   C'est fou, comme les dieux ont dû s'amuser d'eux. Il leur aurait suffi de regarder par la fenêtre pour trouver ce qu'ils cherchaient désespérément.

- Je me réveille de mon sommeil -

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