Mon voyage suivait son cours, et j'avais croisé deux autres personnes. La première était un homme d'une trentaine d'années qui arrosait ses fleurs et qui n'a même pas remarqué qu'un adolescent était passé au-dessus de lui. La deuxième, était une fille d'environ mon âge.
Quand je suis arrivé dans son jardin, elle avait un casque sur les oreilles, et marmonnait en yaourt les paroles qui défilaient dans ses oreilles. Je ne pus m'empêcher de rire face à cette scène qui nous arrivait tous, mais dont normalement, personne n'était témoin. J'essayai de passer en vitesse, voulant éviter tout moment gênant, mais elle me vit. Au bord de la crise cardiaque, elle poussa un cri qui résonna jusqu'au pays voisin.
— Mais ça va pas la tête ? s'écria-t-elle en retirant brusquement son casque.
— Euh... Bonjour ? tentai-je embarrassé.
Elle me regarda en haussant un sourcil, et j'essayai de lui expliquer ce que je faisais chez elle en toute illégalité. Curieuse, elle m'expliqua qu'elle était justement en train d'écouter du rap, et qu'elle aimerait beaucoup lire ma version de cette musique. Elle lut un de mes textes, et je la regardai suivre les lignes des yeux avec appréhension. Voir quelqu'un lire mes mots était toujours perturbant. À la fois excitant, à la fois angoissant, le mouvement des lèvres, le regard qui défile, les lèvres sans sourire, rien ne montre jamais l'avis du lecteur, laissant l'auteur dans une attente insupportable.
Quand elle finit sa lecture, je compris qu'elle n'allait pas se jeter à mes pieds pour me demander un autographe.
— Si tu veux mon avis, tu cherches trop compliqué. Une chanson ça doit être simple, le refrain doit pouvoir rester dans la tête. Toi tes refrains, ils font quinze lignes, comment veux-tu qu'on les retienne ? Trouve-toi autre chose, je sais pas, cascadeur ?
Je ne fis rien paraître, mais elle m'avait un peu blessé. Allais-je devoir revoir toute mon écriture pour pouvoir vivre de la musique ? Elle avait raison, les refrains connus étaient composés d'une seule phrase qui tournait en boucle, mais je ne voulais pas faire ce style de musique.
Je la remerciai pour ses conseils, remballai mes affaires et me relevai. Après lui avoir dit au revoir, encore gêné, elle me fit un signe de la main en me criant "N'empêche repenses-y ! Cascadeur au cinéma c'est grave stylé !"
Je marchai un moment, ses réflexions bourdonnant autour de moi comme des moustiques, puis finis par m'asseoir. J'allais leur prouver, à elle, et à tous ceux qui ne s'intéressaient plus aux paroles qu'on pouvait écrire des chansons de la taille de roman, qu'on pouvait glisser des métaphores entre chaque vers, et que même des quatrains aussi travaillés que ceux de Baudelaire pouvaient être chantés à tue-tête s'ils étaient bien écrits. Comme les timides se surpassaient pour aller vers les autres, mes mots allaient se transformer en bélier face aux portes qui fermaient les esprits, et pousser, cogner, jusqu'à ce qu'elles s'ouvrent et qu'ils se fassent entendre.
Couplet 1
Le volume commence son ascension
Comme une chorale d'oiseaux qui se met à chanter.
Il m'entoure de ses ondes, capte mon attention,
Pourtant de cette chaise je n'ose pas me lever.
Comme sur l'île des sirènes, les voix me prennent.
Mes paupières se ferment, je plonge et j'entends,
Leurs chants qui m'obsèdent et m'emmènent,
Dans le plus merveilleux des songes, mais pourtant...
Mes pieds restent collés au sol, seul mon talon rebondit,
Le rythme possède ma tête, elle commence une chorée,
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Rêveillé
Poezja« Qui êtes-vous ? - Une plume qui cherche à se détacher de sa cigogne. » Eux, le voient médecin ou avocat. Lui, se voit slameur et poète. Quand le monde réel est moins attrayant que celui de nos songes, pourquoi ne pas se plonger dans nos rêves pour...