Gotta Be You (réécriture)

Prologue : Une partie de trop

Fahd

Boston, 13 décembre 2002

Gracie est en train de geindre en se regardant dans le miroir, elle ne fait que ça depuis qu'une autre de ses incisives est tombée. Maintenant, elle a un grand trou dans la bouche quand elle sourit et elle a peur qu'on se moque d'elle à l'école. C'est stupide. Même si nous ne sommes pas tous dans la même classe, je suis censé la protéger, elle et Leith. Parce que je suis le plus grand de nous trois.

Lui et moi sommes nés le même jour, mais je suis son aîné de deux heures. C'est peut-être pour ça qu'il est moins fort que moi. Il est plus petit de taille et un peu plus mince. Nous n'avons pas les mêmes yeux, mais nous avons les cheveux noirs de notre papa. Les gens ne nous croient pas toujours lorsque nous disons que nous sommes jumeaux, et ça m'énerve parfois. Maman m'a expliqué que les faux jumeaux sont rarement pareils, elle dit que nous sommes uniques et que c'est une bonne chose.

— Comme ça je peux faire la différence sans aucun problème, dit-elle souvent pour rigoler.

Puis elle nous prend dans ses bras avant de nous faire un bisou sur le front. J'adore les bisous de ma maman.

J'aimerais bien qu'elle m'en fasse un, là maintenant, sauf qu'elle n'est pas à la maison. Papa et elle sont partis voir le spectacle d'Abi, notre grande sœur. Ils ont appelé une baby-sitter pour nous surveiller, mais elle est beaucoup trop nulle.

Dès que nos parents sont sortis, elle s'est allongée sur le canapé du salon et nous a envoyés nous occuper dans notre salle de jeu. Le problème c'est que ça fait déjà deux heures maintenant et on commence à s'ennuyer. Gracie a des jouets intéressants chez elle, mais on ne peut pas y aller parce que ses « géniteurs » sont encore en train de se disputer. C'est comme ça qu'elle les appelle, et je ne peux pas m'empêcher de l'admirer. Elle connaît beaucoup de mots compliqués, comme ceux que les adultes s'emploient à utiliser.

Gracie est très intelligente, elle lit beaucoup de livres et a un vocabulaire très varié. Notre père dit qu'on devrait en prendre de la graine, mais la lecture ne nous intéresse pas vraiment.

Leith veut grandir et devenir un superhéros, comme Superman, et je veux être à ses côtés pour empêcher qu'on lui fasse du mal. C'est trop dangereux les carrières de héros, il y a beaucoup trop de méchants. J'aimerais lui dire de changer de métier, de devenir prince, c'est beaucoup plus sûr, sauf que papa dit toujours que notre famille est venue aux États-Unis pour que nous soyons libres de faire ce que l'on veut, alors je suis obligé de respecter sa décision.

— Hé, j'ai une idée ! s'exclame Grace.

— شنو,  demande mon frère, tout excité.

Elle penche la tête vers la gauche et sort un peu la langue, comme à chaque fois qu'elle réfléchit et je me dépêche de traduire :

— Il veut savoir ce que tu as en tête.

— Pardon, j'oublie que tu ne parles pas l'arabe, s'excuse Leith.

— Pas grave. Il faut bien que je l'apprenne un jour. Tonton Ali en serait content.

Cette remarque me fait sourire. C'est vrai que papa adore que nous parlions sa langue. Il dit que nous devons toujours être fiers de nos origines, même si elles ne plaisent pas à tout le monde.

— Donc... Je me disais qu'on pouvait jouer dehors !

— Il fait froid, protesté-je.

— Et c'est pour ça que les manteaux existent, rétorque-t-elle. En plus, il y a de la neige, on pourra faire des angelots ou une bataille pour savoir qui est le meilleur tireur !