Chapitre Quinze

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Elínór

Alors ma respiration s'éraille un peu, mon souffle accélère dans ma poitrine, et avec cette belle idée vient la pensée qu'il verra. Depuis quelque temps on voit mes os se dessiner, on voit ma peau fondre doucement, comme si j'expiais un peu de moi à chaque quinte de toux. Que dira-t-il alors. Est-ce que ça pourrait lui déplaire, l'écœurer, de passer ses lèvres ou ses doigts là où il n'y a presque plus rien à toucher. Bientôt je serai fait de vide, je me dis ça parfois : c'est à cause de tous les morts du village, à cause du froid, bientôt je serai un bout de rien et il faudra souffler et soulever les particules de poussière pour déceler ma silhouette. Arès ne dit rien quand je me penche pour tirer sur la cordelette de la lampe, l'éteindre et ainsi nous plonger dans le noir. Il ne dit rien non plus quand je remonte la couverture et que je nous cache à l'intérieur, mon visage près du sien, ma joue appuyée sur l'oreiller, et la vérité c'est que je suis fatigué, un peu. La journée de pêche a été longue, elle a éreinté mes muscles, amenui mes forces ; ainsi quand il glisse sa main en direction de mon ventre et que mon regard se floute un peu, je murmure :

Va doucement.

Va lentement. Je ne veux pas d'éteintes fiévreuses, trop rapides, trop précipitées, comme l'amour qu'on fait souvent parce qu'on a l'impression de manquer de temps ou bien parce qu'on pense qu'on ne peut s'aimer que comme ça. Je veux du calme pour une fois ; et mon souffle est lent quand il vient presser sa main contre mon pantalon, caresser à travers le tissu, jouer de la façon dont mes jambes doucement s'écartent, bougent et se crispent. En même temps qu'il fait ça, je laisse mes doigts à moi courir sur son torse, remonter sur son épaule, sur son avant-bras ; et quand nos yeux se croisent je souris. J'aime bien la douceur. Elle est différente de tout ce qu'on connaît le reste du temps ; et finalement je me penche pour embrasser sa mâchoire, son cou, chercher un peu plus de la chaleur de son torse pour m'envelopper et fermer les yeux.

N'arrête pas.

Arès

Je n'arrête pas. Mes mains touchent, caressent, effleurent d'un mouvement si lent et à peine là que c'est lui qui finit par venir chercher le contact, c'est son bassin qui se soulève pour venir rencontrer mes doigts posés par-dessus son pantalon, et je souris tristement contre son épaule. Il a déposé des baisers partout dans ma nuque, a attiré mes épaules à lui, et mes lèvres embrasse sa clavicule dénudé comme le seul endroit que je peux atteindre. Mes doigts touchent, frôlent ; un bruit léger dans sa gorge avant mon prénom. Arès, et son visage se tourne pour trouver le mien, pour rencontrer mes lèvres que je lui donne.

Tu m'as dit d'aller lentement.

Brûlant.

T'es trop lent.

Et ça m'arrache un sourire alors, un vrai tandis que ma langue rencontre la sienne et que je hume. La vérité c'est que j'essaye de me souvenir, de retenir. J'essaye de tracer dans ma tête avant que mes doigts ne le touchent, les contours de son corps. L'arrondi de ses hanches qui a légèrement changé, la chaleur de son ventre qui se creuse davantage, et quand ma main glisse à l'intérieur de son pantalon, mes yeux se ferment. Il vient chercher, coup de bassin après coup de bassin ; il vient joindre nos peaux quand je retire finalement ses vêtements, les miens, quand dans le noir et la chaleur des couvertures nos peaux brûlantes se rencontrent, je me souviens. Je me rappelle, et c'est la goutte de sang sur le livre, tout ça. C'est à cause de la marque qu'elle a laissée, et je l'embrasse un peu trop fort alors. Le goût du sang je le sens sur mes lèvres, mais il est à cause de moi cette fois. Il est à cause de moi et mes yeux restent résolument fermés quand je me glisse lentement de son visage à son cou, de son torse à son abdomen, son bas-ventre, l'intérieur de ses cuisses et la perle d'eau salé, elle coule de mon œil pour s'échouer sur le matelas, avant que je ne sente ses doigts se glisser dans mes cheveux.

Les glaciers pleurent en étéOù les histoires vivent. Découvrez maintenant