~ Chapitre 2 ~

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La réunion de la matinée n'a, finalement, rien à voir avec les problèmes de cœurs de la fille d'Ax. C'est bien pire. Depuis quelques semaines, un mystérieux groupe s'approche de plus en plus de notre territoire et s'amuse à nous faire chier lors de certaines livraisons. On a bien essayé de découvrir de qui il s'agit, mais malheureusement, on n'a jamais réussi à mettre la main sur eux, peu importe nos précautions. Grey et Mays ont fait tout leur possible, mais les petits malins semblent l'être plus qu'eux. C'est donc dans l'idée d'une énième tentative de les coincer que le Prez nous a réuni aujourd'hui.

— Ces trous du cul ont assez joué de ma patience, gronde-t-il en tapant du poing sur la table. Il faut qu'on les arrête, et vite. Les Polonais nous ont dans le collimateur et si une autre livraison foire, ils risquent de ne pas être très... enthousiastes. Marcin m'a informé que s'il y avait un autre couac, ils iraient voir ailleurs et on ne peut pas se le permettre, surtout en ce moment.

Harper, le VP, hoche la tête pour confirmer les propos du président. Fils adoptif de Rule, il occupe le siège depuis la mort de l'ancien vice-président, tué par le père biologique de Mays, la régulière de Xander. Il a la tête sur les épaules et je ne doute pas qu'il fera un super président quand le moment sera venu.

Après avoir mis en place un plan pour la livraison de demain, puis d'avoir discuté des affaires légales, chacun vaque à ses occupations. Pour ma part, je me dirige vers la boutique de farces et attrapes que je gère avec Jop et Romance. On a eu cette idée lors d'une soirée beaucoup trop arrosée, mais au fil des années, elle s'est concrétisée et autant dire que les gamins adorent. On a un bon chiffre d'affaires et c'est assez sympa de tester les nouveaux arrivages. Surtout si les prospects sont les cobayes.

Alors que je m'apprête à mettre mon casque, mon téléphone vibre dans la poche intérieure de mon cuir. Je le sors en pensant à une connerie de Mance, mais je suis assez surpris de voir qu'il ne s'agit pas du tout de mon pote, mais d'un numéro inconnu. Je ne comprends rien à la série de chiffres qui apparaissent devant mes yeux, mais mon instinct me dit qu'il faut qu'un geek y jette un œil. Je me dirige alors vers leur antre et donne mon téléphone à Grey.

— Qu'est-ce que c'est ? demande-t-il en examinant l'écran.

— Aucune idée.

— Fais voir, ajoute Mays en faisant rouler son fauteuil jusqu'à nous. On dirait des coordonnées.

— Des coordonnées ? Pour quoi faire ?

La régulière de Xan ne me répond pas tout de suite, trop occupée à brancher mon portable à son ordi et à taper rapidement sur son clavier.

— Je ne sais pas, Nox, mais celui qui te les a envoyés est doué. Je ne peux pas remonter jusqu'au destinataire.

— Comment ça ? questionne Grey.

— Il passe par trop de réseau pour avoir quelque chose de fiable.

— Pourquoi me les envoyés à moi ?

— J'en sais rien, Lennox, mais si j'en crois le GPS, il s'agit d'un lieu paumé près de Rush Valley.

— Rush Valley ? Ce n'est pas là qu'a lieu la prochaine livraison ? interrogé-je.

— Si, gronde le hacker. Je vais prévenir Ax. Va bosser, on te tient au courant.

— Je peux récupérer mon téléphone ?

— Vaut mieux qu'on le garde, on ne sait jamais, répond Mays, toujours concentrée sur son écran.

Je hoche la tête et, après un dernier regard en direction de Grey, je quitte le sous-sol pour rejoindre ma bécane. Je mets les gaz jusqu'au magasin et, une fois arrivé, je m'enferme dans le bureau. J'ai de la compta en retard et ce ne sont pas les gars qui vont s'y coller. Le matheux, c'est moi, pas eux.

💀💀

Je bosse jusqu'à ce que mes yeux me brûlent et que les chiffres commencent à se mélanger. Quand je jette un œil à l'horloge, je constate que ça va faire presque cinq heures que je suis dessus et qu'une petite pause serait bien méritée. Je quitte alors la pièce pour rejoindre l'avant de la boutique, mais mes pieds s'arrêtent net lorsque je perçois une silhouette familière présente sur le trottoir d'en face. Malheureusement, je n'ai pas le temps de réellement voir son visage qu'un camion passe à cet instant précis. Je jure en quittant le shop et fouille la rue du regard, mais elle n'est nulle part. Certains doivent penser que je suis dingue, mais je sais ce que j'ai vu, même si c'est totalement improbable. Je le saurai si elle était de retour. Aux dernières nouvelles, elle était au Pérou pour faire je ne sais quoi, mais après tout, Rosie est une tête brûlée. Elle fait ce qu'elle veut, quand elle veut.

Réalisant que j'ai sans doute imaginé sa présence, je tourne les talons, tête baissée. Je me dirige vers la petite kitchenette, qui se trouve près du bureau, et me sers un verre de whisky qui vient tout droit du chapitre des Banshee's Screams d'Écosse. Ce n'est pas mon alcool de prédilection, mais ça fera l'affaire pour l'instant.

— Ouh là, Nox qui boit, tous aux abois, fanfaronne Romance depuis l'entrée.

— Va te faire foutre, grogné-je.

— Bah, qu'est-ce que t'as ? On dirait que tu as déchargé trop vite.

Mance et ses références à la con, dans toute sa splendeur.

Voyant que je ne rentre pas dans son jeu, mon pote s'approche, le visage sérieux.

— Qu'est-ce qui se passe ?

— Je... rien, laisse tomber.

J'abandonne l'idée de lui parler de mon hallucination. Il me prendrait pour un fou et il aurait bien raison. Seul lui et Jop savent combien sa présence m'obsède autant. Nous n'étions que des gamins, mais ça comptait, du moins pour moi. De son côté, je ne sais pas, puisque je n'ai jamais eu de nouvelle de sa part. Je sais ce qu'elle fait et où elle va, mais c'est grâce à Grey qui la surveille de loin. Rosie a souffert plus qu'elle n'aurait dû et je comprends très bien qu'elle se soit éloignée après ce qui est arrivé. Qu'elle en veuille au club, c'est normal, mais j'aurais aimé qu'elle ne coupe pas les ponts comme elle l'a fait. Qu'elle ne m'éjecte pas de sa vie comme si ce que nous avons vécu n'était qu'une poussière.

— Tu es sûr que tu vas bien ? demande de nouveau Romance, un peu plus sérieusement.

— Ouais, nickel, je viens juste de faire la compta, j'ai la tête ailleurs.

Acceptant mon excuse, mais sans réellement y croire, mon frère tapote mon épaule avant de sortir. Je reste un moment à repenser à ce que j'ai vu, puis, après m'être enfilé un second shot de whisky, je suis le même chemin que Mance et retourne à mes chiffres. 

Nyx's Sinners - 6 - Lennox [SOUS CONTRAT D'ÉDITION] Où les histoires vivent. Découvrez maintenant