~ Chapitre 4 ~

579 75 3
                                    

La nuit est calme. Aucun bruit ne vient troubler sa quiétude, alors que tout, à l'intérieur de moi, est digne d'un concert électro. Je suis agité et mon père l'a remarqué puisqu'il m'a à l'œil depuis notre arrivée sur le lieu du rendez-vous. Nous sommes à Rush Valley et nous attendons que les Polonais pointent le bout de leurs nez. Ils ont presque un quart d'heure de retard, ce qui est assez bizarre lorsqu'on sait que Marcin est l'exemple même de la ponctualité. Ax, Hunger et Harper discutent dans leur coin, tandis qu'à côté de moi, la jambe de Romance semble être montée sur ressort.

— Calme-toi, frangin, tu me stresses dis-je.

— J'aime pas ça, répond-il en fouillant les environs du regard. Ils ne sont jamais en retard, donc c'est qu'il a dû se passer quelque chose.

— Tu penses que ça a un lien avec le message que j'ai reçu hier ?

— Peut-être... j'en sais rien à vrai dire, mais toute cette histoire pue les emmerdes à plein nez.

Je n'ai pas le temps de lui répondre qu'un sifflement fend l'air. Nous nous tournons tous en direction de notre Président qui nous fait signe de décamper. De toute façon, ça ne sert à rien d'attendre les Polonais, ils ne vont pas se pointer. Mon regard est soudainement attiré vers la gauche. Je distingue vaguement une silhouette dissimulée derrière un arbre, mais à peine ai-je cligné des yeux qu'elle a disparu.

— Nox, qu'est-ce que tu fous ? crie Jop. On décolle.

Je secoue la tête, pensant que je dois être plus fatigué que je le pensais, puis enjambe ma bécane avant d'allumer le moteur. Nous rentrons sans encombre, mais je ne peux retirer l'idée que nous étions observés. Par qui ?... mais je compte bien découvrir qui se cache derrière cette silhouette sombre.

Néanmoins, pour l'instant, je n'ai envie que d'une chose, me pieuter. Seul de préférence, mais vu les regards que me lance Hélène, la nouvelle brebis du club, je crois que je vais fermer le verrou derrière moi. C'est d'ailleurs ce que je fais une fois que je suis dans ma piaule. Je retire mes vêtements et reste en caleçon et m'allonge sur le lit. Mon portable dans les mains, je fouille parmi mes contacts pour trouver celle que je cherche. Une fois que j'ai son numéro devant les yeux, j'hésite un instant avant d'appuyer sur le téléphone vert. La sonnerie résonne dans le vide durant de longues secondes jusqu'à ce que sa messagerie vocale s'enclenche.

Hello, tout le monde, vous êtes sur le répondeur de Rosie Clark, je... quoi ? Non Becky, c'est dans le tiroir de gauche... oui là... bref, me revoilà, je ne suis pas dispo pour l'instant donc si c'est important, laisser un message, tchao.

Je souris en entendant sa voix et la joie qui en ressort. Rosie a toujours été une fille assez réservée et puis, bon faut avouer, qu'elle n'a pas eu un modèle de parentalité exemplaire. Son père, Clark, l'ancien VP, a découvert son existence seulement lorsqu'elle avait sept ans et il est mort alors qu'elle en avait quinze. D'après ce que j'avais compris, il avait eu une relation avec une des brebis qui était tombée enceinte. Elle l'avait mis au courant et, comme il était un connard, il n'a pas voulu prendre ses responsabilités et lui a ordonné d'avorter. Évidemment, la nana ne l'a pas fait et elle s'est enfuie à San Francisco pour "élever" sa gamine. C'est lors d'un run sur la côte Ouest que Clark a découvert que Susie, je crois que c'était son nom, avait gardé l'enfant. Et alors, comme tout le monde, il est tombé sous le charme de cette petite blonde aux yeux vert d'eau.

Je me souviens qu'elle ne venait que quelques fois par an, au début, puis lorsqu'elle a eu dix ans, elle est venue à chaque vacance. Rosie était une bouffée d'air frais et un véritable rayon de soleil. Elle avait toujours le sourire aux lèvres et si elle voyait que vous étiez seul à ruminer, elle vous tirait par la main et faisait tout ce qui était possible pour vous rendre heureux. Et je parle en connaissance de cause. Au moment où on s'y attendait le moins, elle sortait toujours une blague, bien pourrie, qu'elle avait apprise à l'école mais après la mort de son père, son sourire s'est effiloché jusqu'à disparaître totalement. Du moins, c'était le cas la dernière fois que je l'ai vue, dix ans plus tôt. Elle n'était plus cette fillette aux dents légèrement écartées qui me regardait avec des étoiles dans les yeux. Non, cette fille-là a disparu et je ne l'ai jamais revue.

Donc, comme l'homme désespéré que je suis, parfois, je craque et je l'appelle. Elle ne répond jamais, mais au moins, j'entends sa voix et ça me réchauffe le cœur.

Je raccroche lorsque la nana à la voix mécanique explique qu'il faut laisser un message après le bip et j'envoie valser mon téléphone sur le matelas. J'observe le plafond jusqu'à ce que mes paupières se fassent lourdes et que le sommeil me happe.

💀💀

Le jour qui suit se déroule dans un calme relatif. Néanmoins, ça ne dure pas longtemps puisque au moment de quitter la boutique, mon portable vibre dans ma poche. Je fronce les sourcils en constatant qu'il s'agit du même numéro que la dernière fois et ouvre le message sans attendre. Cette fois-ci, je n'ai nullement besoin de Grey ou de Mays pour le déchiffrer, ou plutôt la photo qui a été envoyée. Il s'agit d'un petit parc au nord de SLC. Je fais une capture d'écran et l'envoie aux geeks avant de me diriger vers ma bécane et de mettre les voiles.

Je roule jusqu'à Mills Park et cherche l'endroit d'où a été prise la photo, tout en ignorant les messages de Mays et de Grey. J'ignore pourquoi c'est moi qu'on a contacté, mais je compte bien le découvrir. Mon instinct me dit que tout a un lien avec cette personne. L'endroit est blindé de gosses et de familles qui apprécient le soleil, mais cela n'empêche pas mes yeux de fouiller chaque recoin. Lorsque j'arrive au niveau d'un banc, situé sous un gros chêne, je suis surpris d'y découvrir une femme d'à peu près mon âge. Elle est vêtue d'un blouson de cuir et d'une paire de lunette de soleil.

— Tu es en retard, beau gosse, dit-elle en étendant son bras sur le dossier.

— Qui êtes-vous ? demandé-je, sur la défensive.

— Disons que je suis une sorte de bienfaitrice. J'ai une info pour toi et ton club.

— Pourquoi être passé par moi ? Ce ne sont pas les membres qui manquent.

— Toi et moi avons une amie en commun, mon chou, réplique-t-elle simplement avant de faire éclater la bulle de son chewing-gum.

— Qui ?

Un large sourire se dessine sur ses lèvres, tandis qu'elle fait glisser ses lunettes sur son nez, pour croiser mon regard.

— Ça, tu n'as pas besoin de le savoir. Du moins pas tout de suite. Par contre, ce qui pourrait t'aider, c'est que je sais qui tente de vous barrer la route avec les Polonais.

Elle sort une feuille de sa veste puis me la tend après s'être levée. Son visage ne m'est absolument pas familier et je me demande qui est cette connaissance commune, mais je n'en ai aucune idée.

— Qu'est-ce que c'est ? questionné-je en observant le papier.

— Une aussi belle gueule doit forcément avoir un cerveau caché derrière. À toi de deviner, mon chou.

Sur ces derniers mots, elle se tire sans un regard en arrière. Je déplie la feuille et découvre une série de chiffres, comme ceux de son premier message. Je les tape sur mon téléphone et découvre que c'est une adresse bien connue du club. Je jure et froisse le papier avant de le balancer dans la poubelle qui est à côté de moi.

Il faut que je rentre au MC, et vite. 

Nyx's Sinners - 6 - Lennox [SOUS CONTRAT D'ÉDITION] Où les histoires vivent. Découvrez maintenant