Chapitre 5

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    Ce matin quand je me réveille je suis d'une humeur excellente. Il faut le dire, quelques jours plus tôt, Alec et moi avons fait un bond de géant dans notre relation, passant d'une cohabitation relativement froide et strictement professionnelle, à une relation quasi amicale. Alec semble avoir éclot de sa chrysalide, comme pour donner naissance au superbe papillon que je connais aujourd'hui. Il m'a enfin montré l'homme doux et agréable qu'il était avant son accident, au moins en partie, et même s'il reste râleur, il ne me parle plus comme à un chien. Au contraire même, désormais ce sont des sourires presque affectueux et des paroles aimables qui m'accueillent dès j'arrive chez lui. Il s'intéresse énormément à moi, a ma vie, il me demande de lui parler indonésien, et il réclame régulièrement que je lui joue du violon, ce que je fais toujours avec un grand plaisir, heureux de pouvoir lui transmettre ma passion et mon amour pour cet art si cher à mon coeur.

Alec a même demandé à prendre des cours de braille de façon assidue et Lydia — la jeune femme qui nous a fait notre premier cours — a accepté avec joie de venir nous dispenser deux heures de cours, deux fois par semaine à l'appartement d'Alec. La motivation de mon ami fait plaisir à voir. Je le sens également plus à l'aise dans sa façon d'évoluer, que ça soit chez lui où il n'a désormais plus besoin de se tenir aux meubles pour passer d'une pièce a l'autre, ou même en extérieur où, même s'il garde le contact de mon bras pour se sentir en sécurité, il maîtrise de mieux en mieux sa canne.

Lorsque j'entre dans l'appartement en lançant un joyeux «Bonjour», je suis surpris d'entendre la mélodie rythmée de "I'm so excited" (Pointer sisters) et de sentir une bonne odeur de nourriture. Alors que je dépose mon étuis a violon dans l'entrée et mes clés sur la commode, Alec passe la tête par la porte de la cuisine et m'offre un sourire rayonnant qui fait vibrer mon âme.

— Bonjour Mag's ! Viens vite, les boissons sont bien chaudes et les viennoiseries sont encore tièdes!

Mag's ? D'où ça sort ça? J'aime bien, c'est... adorable. Et quelles boissons chaudes? Quelles viennoiseries ? D'habitude c'est moi qui m'occupe du petit déjeuner quand j'arrive. Alec a t'il cuisiné ? C'est assez peu probable, tout de même. Intrigué, je le suis dans la cuisine et découvre avec surprise un magnifique petit déjeuner dressé sur la table. Alec tire une chaise et me fait signe de m'installer face à lui et je ne me fais pas prier, salivant déjà d'envie devant les viennoiseries qui s'étalent devant moi,mon estomac grondant d'anticipation et d'appétit.

— C'est toi qui a préparé tout ça? Demandé-je en mordant avec gourmandise dans un croissant.

— Non, mais je suis allé chercher ce qu'il faut au Starbucks au coin de la rue. Réponds mon ami avec un sourire éblouissant et fier.

J'ouvre de grands yeux surpris, mais aussi fier, qu'Alec sois sorti seul pour aller nous chercher ce sublime petit déjeuner, et je le remercie chaleureusement tandis que nous poursuivons notre repas avec grand appétit.

— J'espère que tu as de l'énergie aujourd'hui, parce que je t'emmène en balade! Annonce mon ami avec un sourire mystérieux alors que nous rangeons les reliefs de notre repas.

Intrigué par les paroles d'Alec, je tente de lui tirer les vers du nez mais rien n'y fait il ne veut rien me dire. C'est donc empli de curiosité et légèrement anxieux que je me laisse malgré tout guider par mon ami dans un taxi qui nous mène hors de la ville dans des paysages sauvages.

Après environs une heure de route, notre chauffeur nous annonce que nous sommes arrivés à bon port. Nous sortons de la voiture et je constate avec toujours plus d'étonnement et de curiosité que nous sommes en pleine nature non loin d'un canyon naturel creusé par une rivière que l'on entend couler en contrebas. Je m'approche du garde fou pour admirer la vue sur le vide qui me soulève légèrement le cœur, me forçant à reculer dans un instinct de préservation. Un cri non loin de nous le fait tourner vivement la tête pour découvrir une structure métallique accrochée à la falaise à une cinquantaine de mètres de là. Celle ci crée une avancée au dessus du vide, un peu comme un plongeoir, et je constate que des gens y évoluent et qu'une personne vient de sauter de la structure, les pieds reliés à un immense élastique.

Blind LoveOù les histoires vivent. Découvrez maintenant