La Larme de Dieu

Chapitre 5 : La tragédie du Hurleur

Les coups de hache résonnaient avec force et fracas dans la petite pièce. Adam avait peu d'espace pour manœuvrer et laissait derrière lui quelques cheveux à chaque coup de lame de son adversaire. L'arme d'acier réussissait à attaquer profondément les roches qui constituaient les murs et le sol. Adam ne savait pas s'il fallait attribuer ce mérite à la qualité de la hache ou bien à la force herculéenne de son adversaire. Depuis qu'il avait permis à Kirubin de quitter la cellule, il n'avait pas réussi ne serait-ce qu'une fois à entraver les mouvements du colosse, et ne l'avait donc pas même éraflé non plus.

La hache fendit la pièce à l'horizontal alors que le jeune garçon se jetait au sol pour éviter la lourde lame, qui vint terminer sa course en s'encastrant dans un mur rocheux. Le colosse la délogea en un clin d'œil et retourna à la charge. Il abattit son arme comme la foudre sur Adam qui fuyait. Une peur panique contrôlait le moindre de ses mouvements, la priorité était alors la survie, rien d'autre. Il finit dos au mur et vit la hache de nouveau foncer sur lui à l'horizontal. Il fut obligé de la retenir à l'aide de ses cheveux tentaculaires. La force brute du colosse d'acier était démentielle, et même la masse capillaire d'Adam peinait à repousser le poids de l'homme. Ce dernier restait d'ailleurs muet, il ne disait rien, comme s'il n'était plus qu'une armure vide et obéissante, qui exécutait sans rien dire les ordres de son supérieur.

Pour se sortir de là, Adam lâcha complètement prise et se laissa tomber au sol. Surpris de ce changement soudain de résistance, la force du colosse l'entraîna vers le mur et lui fit perdre son équilibre quelques instants. Le garçon en profita et se rua vers la sortie pour rejoindre le couloir, qui était bien plus grand et large que l'étroite pièce. Une fois suffisamment loin de la porte, alors qu'il entendait le cliquetis de l'armure s'approcher de lui, il fourra la main dans sa poche et ne sortit pas une, mais deux petites boules roses, qu'il fixa un instant, l'air méfiant.

« J'en ai déjà pris une il y a peu de temps, pensa-t-il alors que ses yeux se collaient aux deux sphères dans sa main, tant que je ne dépasse pas trois, je devrais le supporter. ».

Malgré la peur et l'appréhension, il avala les deux Banshee gum l'une après l'autre alors que l'immense chevalier sortait de la cellule pour lui faire face. Le géant fut surpris d'assister une seconde fois à cette affreuse métamorphose. Celle-ci semblait encore plus poussée que la précédente : la peau devenait rouge vif ; les cheveux s'allongeaient jusqu'à l'absurde, peignant de leur blancheur le sol rocheux ; les dents et les griffes se développaient à vue d'œil, transformant le jeune grâcieux et fragile en un véritable monstre infernal. Au-delà du changement physique, c'était la présence qui s'était décuplée : le colosse se sentait écrasé par l'aura horrible que dégageait la créature, avec son gigantesque sourire carnassier et ses yeux vides d'empathie. C'était une bête sauvage, qui ne connaissait plus que le désir de destruction : ce n'était plus un duel ou un combat, c'était une chasse, et l'armure était la proie.

La Banshee poussa d'abord un cri. Un seul cri qui fit tant trembler les murs que le géant d'acier crut que tout le tunnel allait s'écrouler sur lui : la force du hurlement le repoussa jusque dans la cellule, où il fut littéralement écrasé contre un mur à cause de cette insoutenable pression. Toute la roche qu'il pouvait voir se constellait de fissures, tant ce rugissement était monstrueux.

Le cri s'estompa peu à peu et l'armure retomba lourdement au sol. Il haletait, avoir réussi à encaisser un hurlement pareil tout en restant conscient relevait de l'exploit, du surhumain. Essoufflé, il se releva malgré tout et s'agrippa aussi fermement que possible au manche de son arme de ses deux mains.

- Plus de doute possible, dit-il en quittant de nouveau la cellule avant d'approcher à nouveau de la Banshee, c'était bien toi, ce soir-là, dans mes montagnes.