Chapitre 2 : Première escale : Tower Hill

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- Père Julius, quelqu'un demande à vous voir, annonça la voix d'un jeune exorciste qui entrait dans le bureau du Curé, quelqu'un d'important, je crois.

- Hier ces sorciers nous attaquent, répondit le Père en se levant de son siège, et maintenant on demande à me voir ? Si c'est encore à propos des dégâts dans les champs, dites-leur donc d'attendre un peu.

Alors que le jeune exorciste, un peu perdu, s'apprêtait à répondre d'une voix hésitante, la vieille porte grinçante du bureau de pierre commença à s'ouvrir. Une haute silhouette se fit une place à l'intérieur de la petite pièce modeste, où la seule preuve de richesses était les quelques pièces, marquées d'un grand R, qui traînaient sur le vieux bureau de bois. Le Père Julius, en voyant l'homme mince et haut entrer dans la pièce, se figea et ouvrit un peu plus grand ses yeux mi-clos. L'épais manteau de fourrure pourpre accompagné de la fine tenue noir aux coutures blanches ne laissait aucun doute planer sur l'identité de l'homme : c'était là le code couleur réglementaire des Archevêques, des chefs armés de l'Église patrouillant dans le monde pour en assurer la sécurité et s'occuper des affaires urgentes.

Le Père était presque vexé de voir un homme si jeune, aux longs cheveux blonds resplendissant, attachés en une grande et épaisse tresse au dos de son crâne, être le représentant de tels fonctions. Il le dévisagea un instant et tenta de décrypter son sourire léger, qui semblait dissimuler bons nombres d'émotions et de desseins dont le Père ne pouvait ne serait-ce que soupçonner l'existence.

- À qui ai-je l'honneur ? dit-il en marmonnant, sans bouger d'un seul centimètre.

- Nicolas de Gui, répondit calmement le jeune homme, Archevêque au service de Sa Sainteté le Pape. Vous avez bien fait envoyer une prière concernant un sorcier rôdant dans les parages, n'est-ce pas ?

- M-Mais ?! s'offusqua le Père dans un balbutiement de surprise. Comment savez-vous que-

- Les prières sont un moyen de communication utilisé uniquement par l'Église, coupa le jeune Archevêque en levant doucement sa main pour arrêter le vieil homme. Compte tenu de ma position, et de ma présence dans la région, il est normal que j'intercepte ce genre de message pour en vérifier le contenu, avant de le laisser circuler librement. Je suis sûr que vous-même, vous comprenez la raison de mon zèle, n'est-ce pas ?

Le Père n'aurait su expliquer pourquoi, mais le regard doré et distingué de ce jeune homme le perturbait. Habituellement, il était sûr de lui, convaincu que sa foi le protégeait, que le seigneur était de son côté. Mais pas cette fois, à cet instant Julius avait davantage l'impression d'être en face du Diable et de Dieu en même temps, un frisson de terreur mêlé d'admiration paralysait tout son corps. Il posa sa main tremblante sur le bureau et tenta de se donner un air faussement ferme pour reprendre ses esprits. Mais la présence d'un aussi haut gradé à sa table faisait peser sur lui une colossale pression.

- O-oui, certes, marmonna le Père en fuyant le regard de l'Archevêque, mais ça ne m'explique pas la raison de votre p-présence ici.

- Ma présence ici ? Voyons, je pensais que vous aviez deviné ! Vous avez laissé un sorcier s'échapper, je me trompe ?

Julius recroisa de nouveau le regard inquisiteur de l'archevêque, pour tomber sur une vision qui marqua à jamais sa rétine. Les yeux de Nicolas de Gui, malgré leur calme apparent, étaient inondés d'une colère infinie, comme ceux d'un bourreau cauchemardé, prêt à asséner le dernier coup de hache de la vie d'un condamné. Julius manqua de tomber de sa chaise lorsqu'il les croisa, pris d'un sursaut de terreur instinctif qui lui fit perdre toute prestance en un clin d'œil.

- M-Mais non, ce scélérat ne s'en tirera pas, soyez-en sûr ! reprit-il d'une voix forte, pour se donner courage et assurance. La prière que vous avez lue s'en va atteindre les oreilles de l'Évêque de Tower Hill et je vais moi-même le rejoindre demain ! Nous allons lancer u-une chasse aux sorcières, ce « Vautour » ne s'en sortira pas vivant, je vous l'assure.

La Larme de DieuOù les histoires vivent. Découvrez maintenant