Chapitre 1 : le Lion et le Diablotin

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Il y a dix-huit ans, l'attaque d'un démon rasa le petit village de Tycho, un hameau sans histoire située au sud d'une importante chaîne de montagne, un véritable mur naturel. L'assaut de la créature réduisit l'endroit à néant. Elle laissa derrière elle un champ de ruines et un gigantesque cratère. Un nouveau hameau fut reconstruit, portant le même nom que son prédécesseur, en prenant en compte la nouvelle topographie du lieu. Tycho fut construit en plein centre du cratère, comme au beau milieu d'une cuve ou au fond d'un puit. Cette nouvelle géographie permit à l'agriculture du village de se développer davantage et de prospérer, bien plus que son prédécesseur. En effet, le cratère permettait de protéger les champs du vent fort et des intempéries qui secouaient parfois la région, ce qui leur octroya le luxe de souffrir nettement moins des affres de la météo.

C'est l'Église elle-même qui s'occupa de lancer les travaux. Le petit hameau de Tycho, avant sa destruction, ayant été sous la juridiction d'un grand monastère, plus au sud, il était convenu que l'organisation ne prenne des directives concernant ce désastre. Les hommes de foi entreprirent de remettre le petit village sur pieds, lorsque l'unique survivante du massacre, une certaine Maria, se présenta à leurs portes, avec son bébé dans les bras. Depuis ce jour, une Évêquerie, un bâtiment servant de caserne aux exorcistes, sous la tutelle d'un Évêque de l'Église, fut érigé et occupé par les religieux dans la plus grande ville de la région, pour pouvoir agir en cas d'une nouvelle attaque d'un démon aussi puissant. Mieux valait-il prévoir qu'une autre catastrophe de la même envergure puisse arriver, plutôt que de prier pour une quelconque miséricorde.

Les rumeurs coururent, pendant les travaux, sur les possibles origines de cette attaque dévastatrice. Chacun y alla de sa petite théorie, allant parfois même jusqu'à accuser Maria de sorcière, sans pour autant trouver un motif assez grave justifiant qu'elle soit coupable. Ces histoires se turent bien vite, la thèse du démon restant celle acceptée, que ce soit par l'Église ou les habitants.

En dix-huit ans, New Tycho devint un village bien plus grand et prospère qu'autrefois, approchant chaque jour un peu plus du statut de petite ville, remplissant le grand cratère de toits de tuiles et de murs boisés ou chaumés, pullulant un peu plus chaque année. Les moulins, quant à eux, se démultipliaient aux abords du cratère. L'on apportait le grain, le blé, grâce à un système de poulies qui permettaient de les faire remonter sans trop d'effort.

Maria était retournée habiter à Tycho dès les premières maisons terminées. La vie dans le monastère ne lui plaisait guère et elle se hâta de retrouver son village, avec sa fille qui eut tout juste le temps de grandir d'un an entre les murs de la piété. Elles furent vite suivies par d'autres, d'abord les bâtisseurs qui rejoignirent la population, puis de plus en plus d'hommes et de femmes décidant de s'installer dans le nouveau village alors qu'il continuait de sortir de terre. La vie revint progressivement et, grâce aux patrouilles régulières de l'Église, la bourgade était protégée des démons ou des autres menaces qui pourraient reproduire la première tragédie.

Dix-huit ans après les terribles événements, Tycho prospérait, en tant que petit village paisible vivant de son agriculture, au centre de son cratère. Les rues du hameau étaient cependant plus agitées et pesantes que d'habitude ce jour-là, le jour où un sorcier débarqua.

Il était arrivé peu de temps après midi, avec ses gants sombres, son épaisse fourrure noire qui lui couvrait les épaules, ses courts cheveux se fondant avec et son visage dissimulé par un masque lui donnant des allures d'affreux vautour. Il n'avait cependant avec lui ni balais ni grand chapeau, comme le voulaient les histoires pour enfants. Il passa la barbacane qui marquait l'entrée de la ville, suivie d'un grand escalier de pierre qui descendait jusqu'au fond du cratère, tel un ange de mauvais augure.

Les quelques habitants qui croisaient sa route lui jetaient des regards noirs, méprisants ou effrayés. Les mères écartaient leurs enfants du chemin de l'homme étrange et les boutiques fermaient les unes après les autres à son passage. En voyant toute l'agitation qu'il engendrait, l'homme poussa un long soupir : les idées de l'Église faisaient leur chemin dans tous les esprits, si bien que même dans une petite ville isolée comme celle-ci, les Hommes haïssaient les sorciers autant que les démons. Lui qui avait prévu de demander çà et là où il pouvait trouver la raison de sa venue, la réaction des habitants le refroidit presque aussitôt. L'un d'entre eux d'ailleurs, à la vue du vautour, courut pour s'en éloigner, se frayant un chemin dans les ruelles comme terrifié par le sorcier.

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