22 : Dans le ventre de la baleine

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Mathieu savait que son poème n'était pas grandiose, mais il l'avait appris avec une grande diligence, un fait assez rare pour que ce soit notable. Il savait également, grâce à Juliette d'Or, que les filles aimaient les garçons grands, blonds, aux yeux bleus et attentionnés. Comme il n'était rien de tout cela, il s'était reporté sur l'avis de ses deux sœurs. Juliette d'Argent avait proposé que le garçon soit intelligent, et Juliette d'Airain qu'il aime la poésie.

L'enfant se trouvant déjà bien intelligent, il avait décidé d'apprendre un long poème, pour le réciter à Marie-Marie pour qu'elle l'aime davantage.

Un poème sur les baleines. C'était assez original d'après Maître Magimel, et même si le jeune garçon n'avait pas compris une grande partie des mots complexes de la poésie, il s'était appliqué à la réciter à Marie-Marie.

La fillette blonde lui avait alors renvoyé un rire amusé, particulièrement moqueur qui avait fait sauter le cœur de Mathieu. Il s'était alors penché sur les lèvres de la jeune fille et lui avait volé un baiser, récoltant ensuite un soufflet sec.

— Un jour, je t'épouserai ! avait-il affirmé.

— Moi vivante, jamais je n'épouserai un Hidalf, s'était exclamé la petite fille blonde.

Mathieu et elle étaient restés encore un moment dans les écuries, argumentant chacun leur tour sur pourquoi ils épouseraient, ou non, l'autre. Les chevaux les avaient finalement délogés, remuant leurs sabots avec agacement à cause du tapage que leurs cris entraînait.

Le jeune garçon s'était dit qu'après tout, une poésie sur les baleines, c'était très inutile, et bien ennuyant. Pourquoi parler d'un animal qui ne l'intéressait pas, et que ni lui ni Marie-Marie ne verraient sans doute jamais ? Il se promit de lui réciter un poème sur les chats, la prochaine fois que la fillette viendrait.

Cette promesse s'effondra le soir-même, quand Juliette d'Or donna sa propre version de la scène à leurs parents. Elle avait espionné les deux enfants de très loin, et n'avait donc pas entendu tous les éléments.

L'aînée des Hidalf affirma avec aplomb que Mathieu avait récité une chanson d'écurie à Marie-Marie et que celle-ci lui avait administré un soufflet retentissant. Elle donna pour preuve la jeune rouge et un peu gonflée de son frère, et celui-ci se tut, soudainement honteux.

Cette version se propagea à une vitesse folle dans tout le manoir Hidalf, sans que Mathieu ne trouve un moyen de l'en empêcher. Le coup de grâce se produisit quand un jeune page prétendit être celui qui avait appris à Mathieu la chanson d'écurie.

Si l'enfant n'avait pas une mémoire d'éléphant et qu'il détestait à présent les baleines, il occupa son tracas en oubliant autant que possible la vraie version de cette affaire, et en se goinfrant lors des repas. Petit à petit, il oublia le baiser volé et la promesse qu'il se marierait avec Marie-Marie un jour.

Il prit à la place un peu de poids et se jura d'être moins gourmand lorsque ses sœurs lui firent remarquer qu'il avait un ventre aussi gros que celui d'une baleine. Juliette d'Airain ajouta même qu'elle aurait pu être dedans quand elle était bébé, tant son frère devenait gros.

Mme Hidalf rit à cette réflexion avant de rassurer son fils et de lui dire que ce n'était que quelques kilos en trop, et que s'ils se voyaient un peu, cela ne durerait pas. Ce seraient des kilos utilisés pour sa croissance, affirma-t-elle.

Mathieu les perdit tout de même rapidement, certain que Marie-Marie se moquerait de lui s'il était un tout petit peu trop gros.

Après tout, elle le détestait. Et lui aussi la détestait !




Publié le 25 / 07 / 2022

Enfance au manoir Hidalf (Writober 2021, spécial Mathieu Hidalf)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant