Tissu d'illusions

Chapitre 1

Arsène

Je lâche lourdement ma valise sur le sol et m'étends sur mon lit dans un soupir de satisfaction. Je me redresse légèrement en scrutant ma nouvelle chambre du regard. Elle était particulièrement spacieuse pour un logement étudiant et je me félicitais intérieurement d'avoir assez travaillé pour avoir accès à une bourse. Mon colocataire n'allait pas tarder à arriver et j'espérais faire une rencontre agréable.

Pour moi, ce jour marque un nouveau départ. Ces dernières années ont été un enfer pour moi et mon entrée à l'université était à mes yeux la porte de sortie.

Deux coups résonnèrent depuis l'extérieur et la porte grinça en s'ouvrant. Je me lève pour accueillir la personne avec qui j'allais partager le logement cette année.

Mon visage se décompose en croisant son regard.
Pourquoi lui, pourquoi diable ça devait être lui ?
Ses yeux verts ne lâchent pas les miens pendant que son sourire s'efface. Erdem Dulci, l'auteur de mon enfer.

Lors de mon année de seconde je suis tombé amoureux pour la première fois, d'un garçon. Je pensais n'avoir aucune chance avec lui mais nous avons commencé une relation cachée. Nous parlions beaucoup par message mais un jour j'ai eu le malheur de laisser mon téléphone sans surveillance en étude. J'étais à côté de cette ordure et il a suffit de quelques minutes d'absence pour qu'il publie les pages de messages sur le forum de l'école, pour qu'il détruise ma vie. Seul mon identité y paraissait et mon petit ami m'a abandonné, ayant trop peur des retombées. Je me suis fait harceler, tabasser et ma mère a fini par être convoquée et a tout appris. Elle ne m'a pas soutenu, elle était d'accord avec eux. Je me suis retrouvé entièrement seul, je voulais mourir.

Il n'a jamais payé pour ses actes, et ça ne fait qu'amplifier ma haine pour lui. Tout est si simple pour ce chien, il vient d'une famille influente et il est protégé d'un quelconque retour de bâton. 

Ça fait presque trois ans, alors pourquoi doit il ressurgir maintenant ? Je ne souhaite qu'une chose me défaire de ce passé.. Mais il va à nouveau tout gâcher.

-Alors, tu ne me dis pas bonjour Arsène ? Dit-il en claquant la porte

-Je ne sais pas parler le chien, tu m'excuseras.

-Aboyer c'est pourtant ta spécialité.

Je serre les poings en lui tournant le dos et me dirige vers la cuisine sans un mot. Je commence de faire bouillir de l'eau quand il entre dans la pièce.

- Tu comptes me suivre partout ? Quel bon toutou.

- Arsène qu'est ce que tu fais là ?

- Super, en plus de te comporter comme tel tu as aussi l'intellect d'un chien, quel plaisir. À ton avis qu'est ce qu'on vient faire à l'université ?

Il souffle d'agacement

- Je ne m'attendais pas à te voir ici, c'est tout.

- Moi non plus et je ne viens pas taper la conversation pour autant. Laisse moi.

L'eau débordant presque de la casserole je me dépêche de l'attraper pour l'ôter du feu. Erdem se dirigeant vers la porte au même moment, me bouscule et de l'eau se renverse sur mon avant bras, me faisant lâcher l'objet qui s'écrase bruyamment sur le sol par la même occasion.

- TU NE PEUX PAS FAIRE ATTENTION UN PEU ?!

- ET TOI ALORS, CE N'EST PAS DE TE FAUTE PEUT ÊTRE ?!

- EN PLUS D'ÊTRE AVEUGLE TU ES DANGEREUX, GÂCHER, GÂCHER ! TU NE SAIS FAIRE QUE ÇA TOUT GÂCHER !

Je lui tourne le dos pour partir mais il m'attrape le bras pour me retenir. J'hurle de douleur, la colère passée n'anesthésiant plus ma brûlure.
Il me lâche immédiatement.

- Ça va ?

- A ton avis imbécile. Ne fais pas semblant de t'inquiéter.

- Arsène, je-

Je le coupe en le poussant pour sortir, le laissant avec un sentiment d'amertume.

Erdem

La colère, il ne savait faire que ça être en colère. Je regardais cette touffe châtain me fuir ne sachant pas comment réagir.

Arsène Lys, un orage voilà ce qu'il était. La haine était le seul langage qu'il m'adressait.

Tout chez lui m'insupporte, de ses yeux bronzes à la moindre de ses tâches de rousseur.

Je ne le comprends pas. Et je ne veux pas chercher à comprendre. Au début j'ai préféré ne pas réagir, mais rester de marbre face au regard qu'il me lançait été simplement impossible. Cela fait presque trois ans que cette guerre dure entre nous.

Lors de l'obtention du bac, j'ai cru que la vie mettait fin à cette bataille, mais il se retrouve aujourd'hui sur ma route. Pourquoi lui ? Parmi tous, pourquoi lui ?

Je m'en veux plus d'avoir eu quelques secondes d'inquiétude pour lui, que pour lui avoir causé sa brûlure.
Il peut bien jouer à ce jeu la s'il le souhaite, mais il ne gagnera pas. C'est sa haine contre la mienne.

Je rejoins ma chambre pour m'installer et le vois bander son bras en passant devant la salle de bain. Sans savoir pourquoi, je vais m'asseoir en face de lui.

- Tu as besoin d'aide ?

Je ne m'inquiète pas pour lui.. Je veux juste me donner bonne conscience.

- Attache la bande.

Je m'exécute en me retenant de râler. Depuis quand me donne-t-il des ordres ?

- Tu viens à la soirée d'intégration ?

- Il y a une soirée d'intégration ?

Je lâche un ricanement.

- Ta vie sociale est toujours aussi passionnante à ce que je vois.

- A qui la faute ?

Je fronce les sourcils.

- C'est bon.

- ..Merci

-Viens à la soirée, c'est le moment ou jamais de faire des rencontres.

Je quitte la pièce dans un sentiment d'incompréhension.
Je ne le comprendrai décidément jamais.

Je décide de m'installer dans ma chambre et commence à ranger mes affaires. J'attache mes mèches sombres en arrière et me décide à mettre une autre tenue pour ce soir.
J'enfile mes bagues et une chemise à manches courtes noir que je laisse légèrement déboutonnée.

Je me demande si Arsène viendra à la soirée, il est bien du style à ne pas le faire uniquement car je lui ai demandé. Ce serait mieux pour lui pourtant.
Mais après tout tant mieux je n'ai aucune envie de le voir se ramener à une soirée qui s'annonce agréable.