Chapitre 6 - Aux faux-sourires des faux-semblants.

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Lorsque je me réveille, je ne vois rien d'autre qu'une lumière blanche et froide. Mon nez est rapidement agressé par une odeur infecte, mélange de vinaigre et d'eau de javel. Je mets quelques secondes avant de prendre conscience que je ne suis plus chez moi.

— Elle ouvre les yeux, s'exclame vivement une voix que je reconnaîtrais entre mille.

Je tourne légèrement la tête et aperçois le visage de ma mère, penchée au-dessus de moi. Sa main effleure doucement ma joue.

— Oh, ma chérie, j'ai eu tellement peur.

Ses yeux sont bouffis comme si elle avait pleuré à torrent. Ses cheveux blonds pendent au-dessus de mon visage et je réalise qu'elle a l'air décoiffée – ce qui est hautement inattendu de sa part.

Lentement, mon esprit s'éveille et mes souvenirs me rattrapent. Le cours de math, la tricherie de Joyce, mon sacrifice, le bureau du proviseur fermé, la maison, Liya et Kay, les clones.

Les bips de la machine qui mesure mon rythme cardiaque s'accélèrent immédiatement. Je me relève prudemment en m'appuyant sur mes avant-bras. Mon père se tient à côté de ma mère, ses yeux me couvrent de tendresse et je réalise que c'est sa main qui tient fermement la mienne.

Dans le fond de la chambre, Liya est appuyée contre le mur et elle me dévisage avec sévérité. Enfin non, pas Liya : le clone qui a pris sa place. J'aimerais croire que cette histoire a été inventée par mon subconscient qui se serait laissé berner par un rêve mais sa façon de m'observer ne laisse aucune place au doute. Ses yeux me disent « je sais que tu sais ».

Je réalise alors dans quel pétrin je me suis mise et manque de faire une nouvelle crise de panique. Je dois leurrer ce clone si je veux pouvoir découvrir où se trouve ma sœur – je n'ai aucun doute sur ce que me réserve « l'Agence » dans le cas contraire. Je me mets alors à sourire béatement.

— Qu'est-ce qui s'est passé ? demandé-je d'une voix innocente.

— Tu es tombée dans les escaliers, répond ma mère. Tu ne t'en souviens pas ?

Je secoue la tête.

— Cela peut arriver avec ce type de traumatisme, explique une voix inconnue.

Je remarque alors la présence d'un médecin dans la chambre, qui était restée en retrait, derrière mes parents. D'une stature haute et un peu forte, elle me sourit amicalement – contrairement au Clone.

— Quelle est la dernière chose dont tu te souviens ? demande-t-elle.

Je continue dans mon mensonge tandis qu'elle se penche pour attraper mon dossier et le feuilleter.

— Je suis montée dans le bus, dis-je d'une petite voix, l'air perdu comme si je m'efforçais de me concentrer.

— Bien. Tu retrouveras peut-être tes souvenirs, peut-être pas. Quoiqu'il en soit, tu as eu beaucoup de chance, ça aurait pu être bien pire. D'après le scanner, tu as une commotion cérébrale, mais rien de bien méchant. Nous te gardons encore vingt-quatre heures en observation, puis tu pourras rentrer chez toi.

Vingt-quatre heures loin de la maison avec ce clone qui cherche les dossiers de mon père. J'ai envie de protester mais ce serait en vain. Je devrais peut-être tout leur avouer, leur crier que cette fille-là est un clone, que Liya est quelque part, peut-être même morte – les larmes me montent aux yeux rien que d'y penser – mais je ne veux pas mettre mes parents en danger. Je ne veux pas prendre le risque que le clone s'enfuit sans qu'on en sache plus. Je dois découvrir qui elle est vraiment et ce qu'elle veut.

Je me souviens alors de la discussion entre les deux clones. Liya a dit qu'elle aurait ce qu'elle voulait samedi.

— Quel jour sommes-nous ?

Dopplegänger - Comme un miroirOù les histoires vivent. Découvrez maintenant