Chapitre 3 - De pire en pire

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Le lendemain, je me demande si je n'ai pas rêvé. Je balaie les souvenirs de la veille d'un coup de main et je rentre dans le moule d'une adolescente de dix-sept ans. J'ai trouvé une explication rationnelle à cette histoire et je m'y accroche avec conviction.

Lorsque je retrouve Liya à sa voiture, après que la sonnerie du lycée a retenti, je m'efforce d'agir normalement. Ma sœur m'offre un large sourire et ouvre ma portière de l'intérieur. Je me glisse à côté d'elle et boucle ma ceinture.

— Comment s'est passé ta journée ?

— Très bien, même si le prof de sciences me tape de plus en plus sur les nerfs.

Elle pouffe de rire.

— Je crois qu'il fait cet effet à tout le monde, ma pauvre Eva, il va juste falloir le supporter jusqu'à la fin de l'année !

Rien d'inhabituel, rien de différent. Elle me raconte sa journée à elle, rougit en mentionnant le fait que Kay s'est mis en binôme avec elle pour un exposé en littérature anglaise et s'esclaffe en me racontant comment Jeremy Pommer a ridiculisé Lana Marin, une fille insupportable de sa classe.

Nous arrivons rapidement à la maison. Quand nous entrons, notre mère est en train d'enfiler un trench bordeaux. D'un geste rapide, elle d'assure qu'aucun cheveu ne dépasse de son chignon blond parfait. Elle attrape brusquement une pochette noire avant de s'arrêter en nous voyant.

— Ah, les filles ! Vous tombez à pic. Je vais chez Beth, je serai de retour vers 21 heures. Commandez quelque chose j'ai laissé de l'argent sur la table.

Sans attendre de réponse de notre part, elle dépose un baiser sur chacune de nos joues et s'éclipse.

— Pizza ?

Liya secoue la tête avec un sourire.

— Non. Japonais, à la limite !

— Mais le riz, ça fait grossir aussi...

— Je prendrai des sashimis, renchérit-elle en entrant dans le salon.

Elle prend une pomme dans la corbeille à fruits et s'affale dans le canapé. Oui, je me suis fait des idées. Comme si de rien n'était, je prends à mon tour un fruit et m'assieds à côté d'elle tandis qu'elle commence à zapper pour trouver une émission intéressante. Elle finit par s'arrêter sur une sorte de concours de télé-réalité où les participants doivent réaliser des sortes de pâtisseries à chaque épreuve. Elle fait mine de pleurer.

—Je me remplis l'estomac par les yeux !

J'éclate de rire. Je me sens rassurée, tout va bien. Toutefois, ma curiosité est trop forte pour que je puisse la retenir.

— Dis, je voulais savoir si tout allait bien avec tes clubs ? J'ai l'impression que tu es fatiguée en ce moment.

— T'inquiètes, tout va bien.

— Et le club de théâtre ?

Elle hausse les épaules.

— En ce moment Monsieur Lodge n'arrête pas d'annuler les réunions. Je ne sais même pas si on fera une représentation à la fin de l'année, à ce rythme-là. D'ailleurs, je ne lui ai pas parlé depuis le début des vacances, il faudrait peut-être que j'aille le voir.

Je me mords les lèvres. Il doit y avoir une explication. Un instant, j'hésite à être honnête avec elle, mais les mots refusent de sortir de ma bouche. Alors je me lève pour aller faire mes devoirs dans ma chambre, incapable de chasser le sentiment de malaise qui est revenu.

Dopplegänger - Comme un miroirOù les histoires vivent. Découvrez maintenant