Héritière de l'aube {En pause}

Chapitre 3: Cauchemar utopique

Mes yeux s'ouvrent de nouveau, cette sinistre sensation de picotement est revenue et je sais bien ce qu'elle annonce. Le ciel est clair, les oiseaux chantent et Basil repose sur une roche blanche.

-Je ne pensais pas te revoir aussi tôt...

Il observe longuement ma tenue, encore plus merveilleuse que la dernière fois.

-Princesse ?

Ce surnom me fait frissonner et me glace le sang. Une robe particulièrement similaire à la dernière fois s'étend jusqu'au sol, bleutée et ornée d'or. Je n'en ai jamais vu mais il me paraît réel lorsque je passe mon doigt dessus. En relevant mon visage, le regard de Basil remonte de mes jambes à ma taille puis le haut de mon corps pour enfin finir par mes yeux.

-Je ne vous permets pas.

Il rit sournoisement en levant les bras puis se relève. Je n'ai pas peur, ma tête est haute et je sais qu'il ne me fera rien. Dans tous les cas, il m'aurait tué la dernière fois s'il représentait un quelconque danger.

-Je vois qu'un peu de confiance s'est immiscé dans notre relation.

Je croise mes bras rudement, l'air est plutôt frais et mon corps semble apaisé. Néanmoins cet inconnu qui n'en est plus un possède un don pour froisser mes émotions.

-Je veux que vous m'expliquiez, maintenant.

J'ai besoin de réponses à poser sur mes tourments. Mon esprit ne cesse d'effacer cet endroit, même s'il ne s'agit que d'un rêve. Une fois retournée à mon quotidien, il ne faut que quelques heures pour que les images de ce lieu prodigieux s'évaporent.

-Je peux t'expliquer bien des choses Corie, mais je ne suis pas certain d'avoir ce que tu veux.

Il tend les bras comme pour me montrer l'étendue de vide qui se trouve ici puis poursuit.

-Je suis bloquée depuis plusieurs années déjà. Et non il n'y a rien après ces arbres, on retombe toujours au même endroit peu importe la direction que l'on prend.

Sa révélation me surprend, elle m'attriste même de l'imaginer coincé dans une solitude monstrueuse. Je le vois allongé sur l'herbe, quelques cheveux frissonnant au vent et ses puissants yeux noirs clos. Mais seul.

-Des années vous dites ?

Il sourit et s'assoit. Sa main passe de haut en bas sur les fleurs qui s'étendent autour de lui. Je me permets de l'observer, son teint est scintillant et sa beauté époustouflante. Il n'est pas humain, c'est impossible, ou alors il est l'exotisme dont je rêvassais plus jeune.

-Dit comme cela, tout paraît long. Mais ne vous en faites pas ma chère, les fleurs sont de belles compagnes.

De sa main droite, il cueille la même fleur bleue que j'observais la dernière fois et me la tend.

-Je te propose une trêve.

J'hésite un instant mais la curiosité me vainc et l'appréhension me fait défaut. Je m'assois en face de lui et attrape le bouton céruléen. Son odeur fruitée, de cerise ou framboise, je ne saurais le dire, s'échappe pour ravir mes narines. Puis, j'ai une idée. Je ne sais pas combien de fois j'aurais l'occasion de revenir dans cet endroit, chacun des clignements de mon œil pourrait être le dernier.

-Et je vous propose plutôt un accord.

Nos pieds sont à quelques centimètres l'un de l'autre, mes souliers de soie n'ont pas un grain de sable c'est surprenant. Nos positions sont un peu rustiques et banales, mais cette somptueuse toilette ne fait pas de moi une reine. Il paraît particulièrement impatient et presque enfantin de savoir ce que j'ai à dire.