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- Je te récupère à 16h Aerie ? me demande Yunho par message.

- Oui, 16h, c'est bien.

- Tu achètes les fleurs ou je les achète avant de venir te chercher ?

- J'irai les acheter avant que tu n'arrives !

Aujourd'hui, cela fait déjà un an que Jae-Eon nous a quittés. Cette année a été la plus longue de toutes les années. Les saisons ont été glaciales, les jours sont passés si lentement, et ont été si monotones et douloureux, mais j'ai fait de mon mieux pour ajouter un peu de gaieté dans ma vie, qui n'en vaut même plus la peine. Cependant, pour me raisonner, à chaque fois que je me lève et à chaque fois que je me couche, je me rappelle ce que Jae-Eon m'a demandé : vivre pour lui. Cette promesse, je la tiendrai quoi qu'il arrive, car il ne voudrait pas que je le rejoigne. Pourtant, durant l'entièreté de cette année, je n'ai rien espéré d'autre que de le rejoindre. Mais je dois vivre. Je ne peux pas abandonner, je n'ai pas le droit. Il y a tant de rêves que j'aimerais accomplir, comme devenir actrice, réalisatrice, voyager dans le monde entier... Ces rêves je les ai depuis bien longtemps, mais maintenant, ils n'ont plus le même aspect. Je n'ai peu ou plus aucune motivation, plus aucune envie... Je fais tout de même de mon mieux pour réussir mes études, car je ne souhaite pas connaître l'échec et car encore une fois, je me dois de réussir pour lui. Il est ma source de motivation quand je n'en ai plus, la raison pour laquelle je continue d'étudier, de vivre, de sortir, de passer du temps avec mes amis... Je suis tiraillé par l'envie de disparaître et l'envie de réussir ma vie pour lui. Chaque jour est une épreuve à laquelle je ne peux me préparer, ne sachant jamais à quels sentiments et émotions je vais devoir faire face. Plusieurs fois, je me suis laissé engloutir par mes émotions négatives, par la douleur. J'ai perdu pied de nombreuses fois, j'ai cru mourir... Mais heureusement, je suis entouré de personnes incroyables qui m'ont permis de remonter la pente mainte et mainte fois. Elles m'ont aidé à me relever, et pour ça, je ne les remercierai jamais assez.

Quelque chose s'est tout de même brisé en moi. Quelque chose que je ne pourrais jamais réparer et que personne ne pourra jamais réparer, mais je dois vivre avec. Je dois vivre avec seulement une partie de moi, car Jae-Eon est parti avec l'autre moitié. Une partie de mon cœur est un vide immense, qui chaque jour s'agrandit un peu plus. Seulement, si je laisse la douleur me consumer et ce vide s'agrandir, je ne pense pas pouvoir monter la pente une nouvelle fois. Perdre l'être qu'on aime le plus au monde n'est pas dans l'ordre des choses, pourtant cela peut arriver, et quand on y fait face, rien ne peut égaler la douleur que cela procure. Mais je ne suis pas la seule à faire face à ce désarroi, à cette douleur... Yunho doit aussi faire face à cette triste réalité. Perdre son meilleur ami n'est pas non plus dans l'ordre des choses. Il a perdu son confident, son frère, son ami, la personne avec qui il a grandi, avec qui il a affronté les nombreuses épreuves de la vie. Notamment celle de la perte des parents de Jae-Eon. Mais il ne l'a jamais abandonné, il a toujours été là pour lui et Jae-Eon a aussi toujours été là pour son ami. Ils étaient inséparables. Ils ont passé leurs journées ensemble, ont fait les quatre cents coups, mais la vie en a décidé autrement, comme elle en a décidé autrement avec moi.

Le destin est si cruel...

J'ai vu Yunho dans tous ses états, mais j'ai surtout vu Yunho culpabiliser. Contrairement à moi, c'est le sentiment qui le détruit le plus. J'ai tout fait pour le raisonner, nous avons eu tellement de discussion par rapport à ça, mais il ne m'écoute jamais. Il est épris d'une culpabilité sans précédent. Sa mort pèse sur sa conscience. Pour lui, il n'a pas été assez là pour son ami, il ne l'a pas assez aidé à guérir de sa dépression et que s'il avait donné plus de lui, son ami serait encore ici, avec nous.

Le décès de Jae-Eon nous a cependant permis de nous rapprocher, de s'entraider dans cette épreuve que nous traversons tous les deux, de devenir plus fort chaque jour et de garder la tête haute, même si je me demande tous les jours à quoi va ressembler mon avenir. Tout est si flou et si effrayant que j'ai peur de faire ne serait-ce qu'un pas...

Ce matin, je me prépare pour aller rendre visite à Jae-Eon au columbarium avec Yunho, pour les un an de son décès. Nous avons décidé d'y aller seulement tous les deux, car nous avons besoin de passer ce moment uniquement à deux.

À la recherche d'une robe à mettre, je fouille dans mon armoire et dans différents cartons, dont un qui est fermé et que je décide de poser sur mon lit, pour pouvoir l'ouvrir plus facilement et regarder ce qu'il y a dedans.

Quand j'ouvre la boite, la première chose sur laquelle je tombe est une veste. Une veste à Jae-Eon, qu'il avait dû un jour oublier chez moi et qu'il n'a jamais récupérée. Je la regarde un instant avant de la sortir du carton et quand je l'approche de moi, l'arôme floral de son parfum encore présent dessus embaume la pièce, me transportant ailleurs. L'odeur de la rose m'entoure tendrement de ses bras, comme si j'étais dans les siens. Je me remémore tous nos câlins, tous les moments où nous avons été proches physiquement, toutes les fois où j'ai porté ses vêtements quand il n'était pas avec moi... En repensant à ses moments passés ensemble, je fonds en larmes. Je serre fortement la veste contre moi tout en m'asseyant sur le lit, et laisse mes émotions s'exprimer.

J'espère en ce moment même que Jae-Eon apparaisse, me prenne dans ses bras et me dise que tout va bien, que je n'ai plus besoin de pleurer... Malheureusement, je traverse encore ce moment seul et je dois une nouvelle fois me remettre de mes émotions sans son aide, ce qui est toujours très difficile pour moi.

Après m'être calmé et avoir pris l'air sur mon balcon, je me prépare. Au moment où j'étais sur le point d'envoyer un message à Yunho pour savoir où il était, la sonnette de la porte résonne dans l'appartement. Je vais donc ouvrir et c'est bien sur Yunho qui se trouve sur le palier. Je lui souris et l'invite à rentrer quelques minutes, le temps que je prenne ce dont j'ai besoin.

- Je n'ai pas acheté les fleurs, il faudra qu'on aille les acheter sur la route, je lui dis en cherchant mon sac.

- Un imprévu ?

- Hm...

- Ce n'est pas grave. On ira les acheter après.

- Ah ! Trouvé, je m'exclame en lui montrant le sac.

Il me sourit et se lève du canapé quand je lui fais signe que nous pouvons y aller.

Sur la route, nous nous arrêtons donc chez une fleuriste non loin de chez moi puis nous nous rendons au columbarium. Quand nous arrivons, nous nous rendons directement là où se trouve l'urne de Jae-Eon. Nous déposons les fleurs dans la niche, ajoutons encore quelques photos puis lui adressons quelques mots personnels.

Chaque année, quand l'été viendra, et chaque jour quand le matin se lèvera, je penserai à toi. Je penserai à toi tout au long de ma vie. Mais serais-je capable d'endurer ça ? Comment ce genre de vie peut-elle être différent de la mort ? Je ne vais tout de même pas partir en te laissant ces questions si peu positives. Alors je veux te rappeler encore une fois que tu as fait du bon travail et que je t'aime. À très bientôt, mon Jae-Eon.

Je touche une dernière fois l'urne en fermant les yeux avant de fermer la vitre, m'incliner et rejoindre Yunho, assis dehors sur un banc.

- Yunho, je lui dis en venant le regarder.

- Oui, répond-il, lui aussi en me regardant.

- Tu te souviens de la question que tu m'as posée l'année dernière, le jour de son enterrement ?

- Oui pourquoi ? demande-t-il, intrigué.

- Tu peux me la reposer ?

- Oui, bien sûr.

Il réfléchit un instant, le temps de s'en rappeler et me la pose à nouveau, un an plus tard :

- "Si tu avais vraiment su que le temps qui vous était donné était si court, est-ce que tu aurais fait le même choix ? Est-ce que tu te serais laissé tomber amoureuse de lui, en sachant qu'il mettrait fin à sa vie ?"

Avant même de répondre à sa question, mes yeux deviennent larmoyants, mais cela ne m'empêche pas de m'exprimer :

- Cette dernière année m'a permis de plus sérieusement réfléchir à ta question, et j'en suis venu à cette conclusion : à la fin de cette longue année, j'ai finalement fait un choix. Que même si je retourne dans le passé, même si je le fais cent fois de plus, je prendrai toujours la même décision : le rencontrer, tomber amoureuse de lui, le perdre... Je sais qu'il ne prendrait probablement pas la même décision, mais ce n'est pas grave. Peu importe combien de fois la marée haute me ramène à ce mois d'août, je ferai le même choix. Jusqu'à ce que je le retrouve, je nagerai contre la marée de toutes mes forces.

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