Overnight Sensation

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Avril 1986


Engoncé dans son siège, Enji ferma les yeux. Son estomac se serra.
L'espace d'un instant il se demanda ce qu'il ÉTAIT EN TRAIN DE FAIRE, PUTAIN.

Il n'avait même pas hésité une seconde.

Le jeune homme se foutait royalement de n'avoir aucun numéro pour joindre Toshinori, ni aucune adresse.
L'Université de Californie à Los Angeles, ça lui suffisait amplement. Il se poserait des questions une fois qu'il aurait atterri.


Toshinori n'était nulle part dans les gradins, pendant le Festival de Sport qu'Enji avait gagné, cette année. Il ne l'avait pas attiré à l'écart après la photo du podium, pour le féliciter comme il se devait (en le plaquant contre le mur pour l'embrasser comme un fou, jusqu'à ce qu'ils oublient leur prénom).

Recovery Girl elle-même s'en était étonnée, d'ailleurs, elle avait demandé à Gran Torino à son côté... et celui-ci s'était renfermé et l'avait attirée à l'écart.
Enji les avait suivis, intrigué — et c'est là qu'il avait appris la prétendue raison de l'absence de son petit ami.


"Il fallait qu'il puisse s'entraîner, sans aucune distraction", avait simplement murmuré Gran Torino à la jeune femme.



Enji n'y croyait pas, ce n'était pas possible.
Toshinori n'avait pas pu partir comme ça, paf, sans le prévenir.


"Jamais je te mentirais, c'est pas digne d'un héros!"


Le jour où il avait perdu son mentor, il y a quelques mois, quand le roux lui avait proposé de devenir une équipe et de monter leur agence ensemble, Toshinori lui avait dit qu'il l'aimait.
Ça n'avait rien eu à voir avec la scène parfaite d'un film. Il avait été si vulnérable dans ses bras, les yeux pleins de larmes, il n'avait pas pu aligner deux mots sans renifler, il avait dégueulassé le teeshirt d'Enji avec son nez qui coulait — et la déclaration lui avait échappé, d'un coup.

Toshinori l'avait dit une seconde fois, une nuit où il pensait qu'Enji dormait. Il l'avait murmuré contre son épaule, avant d'y presser ses lèvres et de se rendormir trente secondes plus tard, ses doigts entrelacés aux siens.


Enji, lui, avait mis du temps à lui répondre. Se demandant si c'était sa fierté qui l'en empêchait, ou si c'étaient les mots qui ne lui venaient juste pas.

Il avait fini par avoir recours à cette technique de gamin, et lui avait fourré dans la main le deuxième bouton de sa veste il y a un mois et demi, juste avant de partir, espérant qu'il comprendrait. En sortant de la pièce il avait senti le sourire éclatant de Toshinori sans même avoir besoin de le voir, lui donnant sa réponse.


Alors non, Enji ne pouvait pas croire que le futur Symbole de la Paix se soit barré comme un voleur, en le laissant derrière. S'il avait craint que Toshinori l'ait séduit pour qu'il baisse sa garde et qu'il puisse mieux le distancer, il avait changé d'avis depuis longtemps.
(Rien qu'en le disant il s'était senti stupide, d'ailleurs. Son petit ami avait eu l'air aussi choqué que s'il l'avait accusé de l'avoir trompé, ou une connerie du genre.)


... Mais bon, c'était vrai que le blond n'avait donné absolument aucune nouvelle depuis six semaines, admit le roux.
Même ce fameux numéro, qu'il avait tant insisté pour lui donner, n'avait servi à RIEN. Le jour où le plus jeune avait mis sa fierté de côté et l'avait composé, il était tombé sur une foutue secrétaire — ou une assistante ou n'importe quoi; en tout cas son interlocuteur n'avait pas été Toshinori.

Shattered Dreams - FROù les histoires vivent. Découvrez maintenant