Chapitre 4 : Le papillon noir prend son envol

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J'enfile un pull large comme à mon habitude. Si les autres voient que je maigris ils vont mal réagir au lieu de se réjouir pour moi. Je vais sur la terrasse pour observer le levé du soleil de cette énième journée de souffrance et de combat. Un léger sourire étire mes lèvres. Toujours différent, le soleil ne fait jamais son apparition comme les autres fois. La première source de chaleur dans mon corps de la journée m'accueille moi et mon corps pâteux de manque de sommeil. Je cligne des yeux tellement la lumière de cette boule incandescente est forte. Hypnotisée, je dépose sur la rambarde mes avant bras pour plonger mon regard dans les couleurs de lumière qui se reflète sur les vagues de la mer.

Mon téléphone vibre : un message de mon ami qui me dit d'arrêter de regarder le soleil comme une meuf romantique pathétique et d'aller prendre mon bus. J'ai envie de répondre que c'est lui qui est pathétique parce que c'est complètement faux mais bon ce serait un peu stupide vu la situation. Je regarde l'heure et PUNAISE JE SUIS EN RETARD ! Je dévale les escaliers de mon immeuble pour intercepter mon bus à la dernière minute. J'étais à la limite de courir à côté en faisant des grands signes.

Je tangue un peu et le sol tourne autour de moi quand je marche dans l'allée du véhicule. Je me prends plusieurs sièges en récoltant des regards de jugement déformés par ma vision du monde. Ma vue se stabilise et je m'assoie avec un visage des plus pâles.

Je n'aurais pas dû courir le ventre vide...

Aujourd'hui, j'ai théâtre et c'est devenu une habitude d'y aller maintenant. En un mois, j'ai perdu dix kilos et depuis mon régime quinze. C'est étrange, j'ai dû acheter de nouveaux pantalons et j'ai perdu un bonnet. Mais j'aimerais perdre le double du poids qui m'a déjà été enlevé. Je mange un à deux vrai repas par semaine et uniquement des légumes à la vapeur ou du blanc de poulet. Et encore, ça me reste sur l'estomac. Tout autre nourriture part de mon corps assez vite si vous voyez ce que je veux dire...

Je parle beaucoup avec Ben, je vais faire du théâtre pendant la semaine mais honnêtement j'ai envie de disparaître. Je n'ai plus de force et par moment j'ai du mal à rester debout trop longtemps ou à me lever. J'ai comme un handicape. Tout ça parce que je suis grosse. Pour être honnête, je n'y comprends plus grand chose. Moins je mange, plus je me vois énorme mais les tailles de vêtements baissent alors je n'arrive plus à savoir.

Malik a remarqué que ça n'allait pas mais il pense que je suis malade en ce moment ou très fatiguée. Il n'a rien compris : je sombre. Pourtant c'est si débile, je commence enfin à tout avoir. Benjamin m'a intégrée à son groupe donc j'ai plusieurs amis, en cours j'ose parler à voix haute et je m'épanouie au club de théâtre. Malgré ça, ma confiance en moi est en chute libre à cause de mon corps. Ce corps qui ne me ressemble pas, que je ne connais plus.

Je ne suis pas moi-même, c'est une chimère qui parle et qui rit à ma place. Pas moi. J'ai des envies suicidaires depuis quelques jours et je me plais dans l'obscurité des linceuls porteurs de messages mortuaires.

- Salut, tu vas bien ?

- Salut Kylie, je vais bien et toi ? Je cherche Mélissa et Johanne. Ils sont censés avoir des fiches de révisions pour l'Anglais.

Je pouffe, Malik est vraiment à l'ouest. L'anglais, c'était hier.

- Pourquoi tu rigoles ?

- Parce que le contrôle était hier gros bêta. Sinon, ils sont de l'autre côté de la route pas loin de l'arrêt de bus, je viens de les voir.

- Ah oui ! Désolé... j'ai à peine dormi cette nuit j'avais au téléphone Will qui s'était disputé avec Philippe. Tu sais, son petit copain.

- Je vois dis-je en soufflant. Plus tard tu feras des thérapies de couple mais en attendant dors la nuit sinon tu es sur une autre planète.

La ceinture se resserre Où les histoires vivent. Découvrez maintenant