Une foulée dynamique, une paire de Richelieu noire, un costume bleu marine ouvert sur une chemise blanche. Un sourire Colgate, une coupe de cheveux fraîche, une moustache et un bouc taillés de près. Sorti du barbier tôt ce matin, le brun commence à fatiguer. Pourtant, il ne ralenti pas dans les couloirs qu'il connaît par cœur, ne s'époustoufle pas devant la baie vitrée donnant sur le cœur parisien, ne s'arrête qu'une fois arrivé face à une porte close. Encore qu'à peine ; il toque, et ouvre dans la foulée.
Dans le bureau, quelqu'un d'autre snobe la vue du 37e étage sur le plus grand quartier d'affaires français. Assis à son bureau, un large oriel dans son dos, un petit brun à la mine fatiguée épluche une pile de dossiers, un air las inscrit dans le pli sévère de sa bouche et entre ses sourcils. Malgré l'heure encore matinale, trois gobelets en carton exhalant toujours quelques relents de café froid s'empilent à l'extrémité du bureau.
« Je venais te demander si tu avais pu jeter un œil au projet de William, mais visiblement...
— Si, si, j'y suis passé. »
Le petit brun se redresse, s'étire, soulève ses lunettes rectangulaires pour se frotter les yeux un instant, étouffe un bâillement. Puis il remet correctement ses lunettes, lisse les plis de sa veste noire, et regarde enfin son vis-à-vis.
« Je reviens de l'Open Space en fait, je relis le cahier des charges, le client a encore voulu le négocier. William n'sait pas dire non, mais il va falloir revoir le budget ou la deadline s'il veut vraiment qu'on... enfin, pourquoi je t'embête avec ça. Vous, les RH... »
Le brun étouffe un rire, ferme la porte derrière lui en entrant complètement dans la pièce. Il lui adresse un sourire étincelant en venant s'asseoir nonchalamment sur le coin de son bureau.
« C'est une manière de parler à son supérieur ça, Xavier ? Et je suis directeur marketing, pas RH, imbécile va. »
Ça tire un sourire en coin au plus petit, qui se renfonce dans son siège. Ils se dévisagent quelques secondes, laissant un silence s'étirer peu à peu.
« T'as l'air épuisé, la nuit a été courte Xavier ?
— Ouais, ouais, on peut dire ça.
— Je croyais que ton mec t'avais interdit de sorties pourtant, tu n'aurais pas osé...
— J'ai dormi avec mon mec, justement. »
Ça avait jeté un blanc. Le brun le dévisage, incrédule. Étonné, surpris, peut-être un peu déçu aussi.
« Et c'est lui qui t'as, mm, maintenu éveillé ?
— Oui, j'ai couché avec mon mec, PA. C'est pas si extraordinaire non plus.
— C'est pas tant que t'aies couché avec, c'est que tu sois resté la nuit entière avec lui.
— On partage un appart' j'te rappelle.
— Que tu désertes dès que tu peux, pour...
— On a compris l'idée, t'inquiète. Autre chose ? »
Il penche la tête sur le côté, dévisage l'ingénieure face à lui. Ça fait bientôt trois ans qu'ils sont collègues maintenant, à peine moins qu'ils couchent occasionnellement ensemble, pourtant moins d'un an qu'ils sont réellement amis. Parce qu'il est difficile d'approcher Xavier, qui se cache derrière des silences et une froideur acerbe. Parce que celui-ci est effrayé, qu'il a du vivre une expérience qui l'a dégoûté il y a des années de cela et qu'il cherche à mettre le plus de distance possible avec ceux qui pourraient devenir des proches.
Ça n'a jamais dérangé Pierre-Alexis. Plan cul, ça lui allait. Pas d'histoire, pas de questions. Mais il y avait eu cette soirée en novembre dernier, un afterwork un peu trop arrosé, qui leur avait délié les langues. Xavier n'était pas coutumier de ce genre de soirée, là où lui ne crachait jamais sur une petite sortie entre collègues — c'était bon pour le team building, après tout. Mais voilà, Xavier ne voulait pas rentrer chez lui ce soir-là, il admettrait plus tard qu'il ne voulait pas croiser son petit-ami. Ça avait surpris PA pour le coup, si les relations sans attaches et autres coups d'un soir ne le dérangeaient pas, coucher avec un mec en couple le mettait déjà moins à son aise.

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Alliance Raibow
FanficBonus d'In the Street, parce qu'ils méritaient un peu plus que d'être des personnages secondaires. L'Alliance Rainbow, bar gay étudiant, comme théâtre de fond. Un peu trop d'alcool, une fin d'été, des relations qui s'emmêlent, s'éloignent et se rej...