6) Quentin

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La lumière qui filtre par les stores vénitiens est douloureusement forte, et sa bouche pâteuse quand il se réveille. Matinée de merde. Il a mal au dos, et met quelques minutes à se rappeler pourquoi il a dormi sur le clic-clac du salon de Brybry.

Il est parti du Stolly's un peu avant la fermeture, après avoir payé une tournée de teq' paf qui a du faire grimacer sa carte bancaire. Il se souvient avoir rejoint une boîte de nuit non loin où il a ses habitudes, le videur pas trop regardant qui l'avait laissé entrer malgré son air éméché — ou peut-être parce qu'il se l'était tapé un soir, ou plutôt un matin, à la fin de son service. Il avait rapidement trouvé son bonheur sur la piste, dansant terriblement serré contre un homme de belle carrure, barbu. Il ne se souvenait plus vraiment de son visage, davantage du moment où il l'avait suivi dans une cabine de toilettes. Jules trouverait ça glauque, mais ça ferait rire Brybry.

Avec un soupir, il extirpe sa carcasse du canapé pour se rendre jusqu'à la salle de bain. Alors que l'eau coule le long de son dos, il se souvient avoir galéré à enfoncer son double dans la serrure, s'être pris les pieds dans le tapis, être tombé dans le canapé et s'être maudit pour le boucan qu'il a fait. Mais personne n'a rien dit, et il n'a même pas vérifié si Brybry et Jules étaient vraiment dans la chambre. Probablement que non, du coup. C'est sûrement tant mieux, même si ça lui tire un pincement au cœur. Pourquoi n'a-t-il pas simplement attendu ses deux amis pour rentrer ? Il a ressenti ce besoin brûlant d'être pris, presque utilisé, par un inconnu dans les toilettes d'une boîte de nuit. Il est d'accord avec Jules, c'est glauque.

Il se frotte vivement avec le savon, plusieurs fois. Il insiste, se gratte, comme s'il pouvait retirer la souillure de son âme par ce biais. Il ne ressort que longtemps plus tard de la douche, s'excusant mentalement pour la facture d'eau chaude. Il aurait dû rentrer chez lui, venir ici avait été une mauvaise idée songe-t-il avec un soupir, les mains appuyées contre le lavabo, seul face à son regard dans la glace.

Il se dirige finalement vers la chambre à coucher, où il récupère des sous-vêtements qu'il avait laissés et un bas de jogging qui doit appartenir à Jules. C'est alors qu'il a la tête dans la penderie à la recherche d'un t-shirt qu'il entend la porte s'ouvrir, et des voix dans la pièce principale. Il sort finalement torse nu, toquant à la porte de la chambre pour annoncer sa présence au couple qui vient de rentrer.

« Quentin ! Tu pourrais prévenir, on essaye de te joindre depuis des heures ! T'es pas capable de regarder ton téléphone ? »

Sans le laisser répondre, Bryan se jette à son cou et l'embrasse fougueusement. Il répond instinctivement, glissant ses mains sur ses hanches. Quand il sépare leurs lèvres pour répondre, Jules qui s'est glissé à côté d'eux l'embrasse à son tour, plus brièvement. Une simple pression tendre des lèvres pour dire bonjour, à peine assez pour qu'il sente l'odeur de son dentifrice à la menthe. Quand finalement, ils le laissent libre de répondre, il désigne d'un mouvement de menton honteux son téléphone abandonné sur le canapé, déchargé depuis des lustres.

Bryan va le récupérer et le mettre à charger dans la chambre, en s'étonnant qu'il ne l'ait pas fait de lui-même. Jules, lui, soupire en le dévisageant, devinant sans peine que leur ami n'avait pas dû être en état de s'occuper de cela la veille. Il l'a vu discuter avec Aurélien, et ne peut que présupposer de ce qu'il a consommé. Alors il l'attire dans une étreinte douce, caressant les cheveux courts, le dos nu, encore un peu humide, un peu tremblant. Son menton sur l'épaule de son ami, il regarde Bryan revenu dans la pièce principale s'affairer dans la kitchenette. Ils étaient partis presque dès qu'ils s'étaient levés en constatant que Quentin n'était pas rentré après eux, et qu'ils n'arrivaient pas à le joindre. Depuis la cuisine, il lui adresse un sourire triste, un regard compatissant. Il leur sort trois bols, cuillères, et un paquet de céréales. Trois verres, de l'eau et un paquet de Doliprane. Pas de paracetamol en lendemain de cuite, que Rayenne leur a dit. C'est mauvais pour le foie, qu'il a ajouté.

Alliance RaibowOù les histoires vivent. Découvrez maintenant