In Corde Silvae ||Katsuki Bakugo x Izuku Midoriya||

3

Reprenant le chemin en sens inverse, ils repérèrent rapidement l'équipe de sauvetage, dissimulant sa présence derrière les buissons grâce aux tenues de camouflage. Chacun osa laisser dépasser un œil, un front ou encore une mèche de cheveux en reconnaissant le caractéristique crâne de bélier. Finalement, se découvrant entièrement à la vue de leur leader, ils formèrent un cercle autour de lui et Kota.

- Chef !

- Quel bonheur de te voir sain et sauf !

- Mais que voulait cette bande de malotrus ?

Les interrogations fusèrent jusqu'à ce qu'Izuku lève les deux paumes en l'air, réclamant une trêve qu'il obtint aussitôt.

- C'est une longue histoire que je me ferais un plaisir de vous raconter, mais pas maintenant.

Ils avortèrent la graine de frustration qui n'allait pas tarder à fleurir leur langage, et suivirent leur chef en s'autorisant cependant à échanger les messes basses de rigueur.

Kota fut relégué en fin de cortège, se laissant dépasser par les adultes, pour laisser libre court à sa verve rêveuse auprès des oiseaux, sans risquer de ralentir le groupe. Il s'accroupit sur la mousse et chuchota à un rouge-gorge son ressenti sur les derniers évènements dont il avait été témoin.

Izuku fut le premier de la troupe à fouler l'herbe rase de la clairière, vidée de ses occupants. Momo et Yui avait suivi ses ordres et confiné tout le monde dans les yourtes.

- Nous sommes de retour ! S'exclama-t-il.

Seul son écho lui répondit. Timidement, une main décala le tissus barrant l'entrée d'une des yourtes pour y passer l'œil. Izuku sourit au regard noisette d'Ochako, qui tira in extenso le tissu.

- Izuku !

Elle fut la première à se pendre à son cou. Il la soutint tant bien que mal dans les airs, diffusant son parfum boisé, dont les effluves greffées sur une légère brise vinrent chatouiller les narines des personnes alentour.

- Je suis navré de vous avoir alarmé pour une broutille, déclara-t-il en se détachant de son amie.

- On est quand même heureux que tu nous reviennes en un seul morceau, chef, répondit Mina, dont la fin de la phrase fut ponctuée de murmures approbateurs.

Izuku vit passer dans leur regard ce qui traversait son esprit. La mort de Toshinori était encore trop fraîche et le règne d'Izuku trop neuf. Chacun prennait son temps pour basculer d'une époque à l'autre et accepter le changement, histoire de doucement ré-équilibrer le socle qu'était la tribus. Alors s'encombrer de la mort d'un jeune successeur, très peu pour eux.

- Koïchi, Tenya, Shinso, suivez moi, lança-t-il discrètement en orientant autant qu'il put sa voix vers les concernés.

Il récolta tout de même quelques regards curieux sur son passage. Leurs pas étaient à peine perceptibles sur le sol encore imbibé des dernières averses. De ci de là, les régurgitations de la terre saturée avaient des allures de marres réduites.

Izuku s'engouffra dans sa yourte, suivi de près par Koïchi et les deux autres.

Ils s'assirent en tailleur sur le sol jonché de tapis. Un bol de fruits secs cahota de mains en mains. Le silence retomba lentement, et, après un court moment, Izuku se décida à le disperser de nouveau.

- Koïchi, étais-tu au courant de ce projet de mariage ?

Shinso manqua d'échapper le pauvre bol. Dans l'intimité du comité, Koïchi troqua son masque de vieux sage pour celui du vieil ami de l'ancien Leader. Il dévoilait alors une autre de ses facettes. Y compris sa voix semblait autre.

- Oui, répondit-il à contre cœur.

- Et vous n'avez jamais jugé bon de m'en parler ?

Ça ne lui avait jamais, à raison, traversé l'esprit de cracher sur la mémoire de son mentor. Et pourtant, en cet instant, une colère sourde gonflait ses veines à bloc.

- Est ce pour cela qu'ils t'ont appelé ? A vrai dire, je m'en doutais, grommela le vieil homme en éludant la question.

- J'ai dit que j'y réfléchirais.

Tenya se racla la gorge pour attirer l'attention sur lui et veiller à prendre – sans l'arracher – la parole.

- Un mariage ? Dit-il simplement.

- Avec l'héritier de Mitsuki.

- Je vois.

Izuku s'était levé pour user ses talons sur les tapis d'interminables vas-et-vient.

- Donc... ce serait une alliance ?

- Oui.

- Je ne suis pas sûr qu'il faille s'allier avec des gens comme eux, nota Shinso en mastiquant un raisin.

- Pourquoi ça ? Demanda Izuku, dont la surprise fut telle qu'elle paralysa ses jambes, au soulagement de ses compagnons.

- Ce sont des guerriers. Chaque enfant suit un entraînement militaire. Ils sont formatés pour mener des campagnes ! Forcément, nous, à côté, on passe pour les gentils chasseur-cueilleurs. Ne crois-tu pas qu'il pourrait s'agir d'un piège ? Ils auraient la main mise sur notre clan et pourraient l'annexer quand bon leur semblera. Et le fils, ils trouveront bien un moyen de saboter le contrat pour le rendre obsolète et le récupérer.

Un silence entêtant accueillit cette déclaration. Shinso coula un regard vers Koïchi, qui paraissait perdu dans ses pensées.

- Loin de moi l'idée de discuter les décisions de feu Toshinori, toussota finalement Shinso, ayant à cœur de ne blesser personne.

- Et c'est ce que tu n'as pas pris en compte dans ton hypothèse, Shinso. Crois-tu que Toshinori n'aurait pas évoqué cette possibilité avant toi ? Crois-tu qu'il n'aurait pas pris le temps de négocier lui même les termes du contrat ?

Comme toujours, le timbre de Tenya était froid, et son jugement implacable. La pièce s'assombrie brusquement, signe que l'horizon commençait déjà à engloutir le soleil.

Izuku mit fin à la réunion improvisée d'un sourire conciliant.

- Merci pour vos précieux conseils. Avec tout ça, j'ai complètement oublié de vous demander un rapport, mais laissons cela pour demain. Allez vous restaurer maintenant.

Ses deux bras droits se levèrent en chœur et disposèrent s'embarrasser de courbettes.

- La nuit porte conseil, jeune chef. Dors cette nuit.

- Seulement si on ne m'appelle pas, répliqua Izuku, à moitié détendu.

D'un hochement de tête, Koïchi referma sur lui le voile d'entrée, le laissant seul avec ses tourments.