Chapitre 6

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- Ooooh que non vous n'êtes pas fou Enguerrand, vous nous donner simplement une nourriture que nous autre policiers, avons trop peu l'habitude de manger. Et il faut que nous l'assimilions. Alors soyez sans crainte et dites moi ce que je dois savoir. Plus vous vous êtes précis, meilleure sera la chasse à l'homme. Axel commençait à sentir qu'il tenait un début de quelque chose et qu'il en faudrait encore un peu pour que tous les voyants virent au vert, un vert bien mûr. La fatigue avait laissé place à de l'excitation. Il jeta un coup d'œil dans le couloir. Lucie était toujours au téléphone. Il prit son mug de café, avala le liquide d'une traite. C'était un mug usagé, tanné par une caféine accrochée au parois, tel le calcaire sur une stalactite. Le dessin sur le mug représentait l'évolution de l'homme en cinq époques. Une fresque qui commençait par un primate se tenant sur ces quatre membres, puis semi debout pour ensuite devenir Cro-Magnon et enfin un homme moderne en costume cravate. La dernière image représentait un policier. L'avantage de cette illustration c'est que vous pouvez choisir la dernière image, l'effet sera identique. Une danseuse, un pompier, un Hockeyeur.

Axel retrouva la place derrière l'ordinateur.

- Merci de me donner du crédit lieutenant souligna Enguerrand. Si mon sens olfactif est précis, mon audition est le sens que j'utilise le plus dans mon quotidien. Le sens auquel je fais le plus confiance, et ce jour de janvier j'ai entendu des sons que vous, voyant n'auriez même pas prêté attention.

- Vous suscitez mon intérêt, Enguerrand. Je suis tout ouïe, ricana Axel. Lucie apparut soudainement dans l'encoignure de la porte. Elle porta son regard sur Enguerrand en prenant sa respiration. Sans lui laisser le temps de reprendre sa déposition, elle annonça à Axel.

- J'ai demandé aux équipes sur place de te faire un rapport ce soir. J'ai également demandé du renfort pour recenser les garagistes ou les chantiers sur un périmètre de trois kilomètres. On n'a plus de temps à perdre...

-Si je peux me permettre de vous interrompre, je voulais vous donner un indice qui pourrait vous être utile. Je disais que l'agresseur était à l'arrêt lorsqu'il a aperçu madame Grandain. Lorsqu'il s'est mis en mouvement vers elle, son vêtement a produit un bruit ressemblant à du plastique ciré, ou un imperméable. Ses chaussures produisait un son lourd et assez plat. Je ne sais pas comment vous l'expliquer. Enguerrand essayait d'utiliser ses mains pour modéliser en trois dimensions ce qu'il ressentait. C'était des chaussures avec une semelle épaisse. Des chaussures qui se plient mal, un peu comme des rangers de militaire ou bien celles que portent les randonneurs de haute montagne...

- Ou des chaussures de sécurité objecta Lucie, toujours debout près de la porte. Ça colle avec le chantier, la veste qui protège du froid et des intempéries, chaussures de sécu...On fait pas fausse route si on part là-dessus . T'en penses quoi Axel ?

Axel rassemblait dans son esprit tous les éléments qu'Enguerrand venait de lui lâcher ce soir. La direction, les odeurs et les bruits. C'était atypique mais ça tenait la route. Il feuilleta à nouveau le dossier rapidement, espérant trouver un indice qui lui aurait échappé. Il se retourna vers Enguerrand.

- Il boitait aussi, lança Enguerrand avec un désir non dissimulé de faire un effet de surprise.

Axel repoussa légèrement sa chaise à roulettes, les deux bras sur les accoudoirs. Lucie posa une fesse sur le bureau, les yeux rivés sur l'aveugle comme si elle s'attendait à être spectatrice du plus beau bouquet final d'un feu d'artifice national. Axel rompit le silence.

- Que voulez vous dire exactement par il boitait ? Il portait une attelle, un plâtre ou pire une jambe de bois ?

- Non rien de tout ça lieutenant, rétorqua Enguerrand, il claudiquait légèrement de manière presque imperceptible. J'ai remarqué que son pas n'était pas vraiment régulier comme le votre ou bien le votre, madame. Son pas était à contre temps. Et il marche de cette manière depuis longtemps. Une maladie ou un accident peut être. Je ne saurais vous l'expliquer avec des mots. C'est un ressenti que j'ai. Je serais prêt à vous parier ma chemise qu'il traîne sa patte depuis des lustres.


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