Les Quatre Infernaux

À vos amours

Le lendemain, Louis Serra fut réveillé par des légers bruits de pas qui résonnaient dans le silence de la bibliothèque des Prétendants. En ouvrant les yeux, il constata que la personne qui produisait ces bruits n'était autre que Julius.

-Oh, pardon! s'excusa le jeune Prétendant. Je ne voulais pas te réveiller, mais le petit déjeuner doit être servi et je comptais me rendre dans la Galerie des Chandelles.

En entendant ces mots, Louis bondit aussitôt de son lit, sous le regard effaré de ses trois nymphettes. Il ne parut même pas le remarquer, et rejoignit Julius. Il ne serait pas dit, si celui-ci se perdait, que c'était de la faute de Louis Serra! Le Prétendant n'avait pas oublié l'aveu de son nouvel ami (s'il pouvait considérer Julius comme un ami alors qu'il venait à peine de le rencontrer), et avait décidé de garder un œil sur lui. Il faut dire que les Élitiens eux-mêmes ne pouvaient se vanter de connaître les dédales de galeries de l'école par cœur, alors un Prétendant qui venait tout juste d'arriver pouvait aisément s'y perdre.

Les trois nymphettes, qui avaient retrouvé leurs esprits, ouvrirent la voie pour éclairer les couloirs qui menaient jusqu'à la Galerie des Chandelles, mais ne voulurent pas pénétrer dans la galerie et retournèrent dans la bibliothèque. Julius s'en étonna, et Louis lui expliqua que si la Galerie des Chandelles était nommée ainsi, c'était parce qu'en souvenir d'un carnage perpétré en ces lieux, plus aucune nymphette ne voulait éclairer la Galerie, qui était la seule de l'école à être illuminée par des bougies.

Lorsque les deux garçons entrèrent, plusieurs Prétendants et quelques Apprentis étaient déjà attablés et savouraient un délicieux petit-déjeuner dans un silence tout relatif. Les élèves se prêtaient les uns aux autres des journaux parlant d'une nouvelle attaque des ennemis du royaume, ou bien échangeaient des vignettes de leur album. Assis autour d'une table placée à l'écart, le directeur Magimel et son adjoint le baron Hudson parlaient gravement de la situation du royaume, qui, il faut le dire, n'était pas la plus heureuse. Les frères Estaffes, de redoutables adversaires aux pouvoirs incroyables, sévissaient partout, accompagnés de leurs terribles nymphettes noires. Le seul endroit où les élèves pouvaient se croire encore en sécurité était bien sûr l'école de l'Élite. Et cela grâce à la présence des Élitiens, mais aussi des mesures de sécurité draconiennes qu'imposaient le directeur et son adjoint. Louis leur jeta un bref regard, avant de se tourner vers Julius pour lui indiquer de choisir une place.

Celui-ci avait repéré une table libre, et s'assit, indiquant d'un geste à Louis la place qui se situait en face de lui. Sur la table était posée, à côté des bols et des cuillères, une boîte de céréales Force Élitienne, une marque spéciale créée par l'école de l'Élite. La recette de ces céréales était le secret du directeur Magimel. Sur la boîte, on pouvait voir une image du capitaine Arthur du Château-Boisé, qui prenait son petit-déjeuner en compagnie de John Mid, son bras droit.

Lorsque Julius commença à lorgner sur les céréales d'un air envieux, Louis lui expliqua que le paquet contenait parfois quelques vignettes de l'album de l'école, puis tenta de l'ouvrir. Cet exercice n'était pas facile, car la boîte était très grande et soigneusement fermée par un système étrange. Le Prétendant jeta un œil vers la table voisine pour constater que les autres élèves s'étaient contentés de déchiqueter la boîte par le côté. Ce fut le moment que choisit un jeune Prétendant d'une carrure impressionnante, que Louis ne connaissait pas, pour s'asseoir à côté de Julius et engager la conversation.

Du reste, Louis comprit vite que le Prétendant inconnu n'était autre que Robin Tilleul, dont Julius lui avait parlé le jour précédent.

Le jeune Prétendant ne fit pas bonne impression à Louis Serra, qui, peu habitué à des conversations avec les autres élèves, le trouva beaucoup trop bavard. Le Prétendant lui paraissait égoïste quand il parlait de lui, trop curieux quand il posait des questions polies à Julius, impoli lorsqu'il baissait le regard face à lui.