Les Quatre Infernaux

L'attaque des frères Estaffes

L'air préoccupé, Arthur du Château-Boisé s'assit à côté du directeur. John Mid et l'autre Élitien, un jeune homme brillant d'une vingtaine d'années tout au plus, d'une pâleur effrayante, s'installèrent en face l'un de l'autre.

L'instant d'après, tous les élèves se mirent à parler en tous sens, si bien que plus personne ne s'entendait. Une seule question se lisait sur toute les lèvres : que s'était-il passé de si grave pour que les trois Élitiens aient rejoint le directeur avant même la fin du petit-déjeuner ? Très vite, une rumeur se répandit au sein du groupe d'élèves, qui fut bientôt confirmée par l'arrivée de trois Pré-Élitiens lecteurs de l'Astre du Jour. Un jeune Apprenti réussit à se faire prêter le journal, et tous s'attroupèrent autour de lui. En première page, un bref article racontait les événements dramatiques survenus lors de la nuit :

NOUVELLE ATTAQUE 
DES FRÈRES ESTAFFES :

LES PARENTS DE L'ÉLITIEN ROMAIN DU TORSY 

RETROUVÉS MORTS.

Quelques Apprentis compatissants autant que terrifiés tournèrent la tête vers la table où les trois Élitiens mangeaient. Les plus jeunes Prétendants poussèrent un cri horrifié en lisant le titre de l'article et se bouchèrent les oreilles. Louis Serra empêcha Julius et Robin de rejoindre l'Apprenti qui avait le journal, devinant instinctivement ce qui s'était passé.

Le directeur, cependant, glissa quelques mots à Arthur du Château-Boisé lorsqu'il vit les élèves attroupés. Le capitaine grimaça un instant, puis se tourna vers John Mid, le visage impassible, pour donner quelques consignes.

Enfin, il posa la main sur l'épaule du jeune Élitien qui l'accompagnait, et lui murmura quelques mots, avant de se lever.

La sortie du capitaine passa quasiment inaperçue : tous les élèves se tordaient le cou afin de tenter d'apercevoir ne serait-ce qu'un seul mot de l'article. Le jeune Apprenti qui avait réussi à s'en emparer avait disparu dans la mêlée.

Seuls, Louis, Julius et Robin remarquèrent qu'Arthur du Château-Boisé et son bras droit John Mid venaient de quitter la salle. D'un léger geste de la main, Louis indiqua la table où le directeur était assis, et chuchota :

-Pensez-vous que nous devrions aller lui présenter nos condoléances ?

L'idée sembla si saugrenue à Julius qu'il émit un rire léger, qui rappela à Louis celui d'Armance. Un jour, peut-être devrait-il la présenter à son nouvel ami...

-Absolument pas! commenta pour sa part Robin. Je ne connais pas du tout cet Élitien, je pense que nous n'avons rien à faire dans cette histoire.

Julius approuva d'un hochement de tête. Louis jeta un regard désabusé sur les rares élèves qui se battaient encore pour des morceaux du journal :

-Pfft... Ils sont ridicules, murmura-t-il. Se battre pour un bout de journal!

Julius grimaça. Pour sa part, il aurait aimé pouvoir lire l'article. Mais son ami semblait avoir une autre idée en tête. D'un pas assuré, il se dirigea vers la sortie de la galerie.

Perplexes, les deux Prétendants le suivirent. Ils traversèrent quelques galeries, montèrent un escalier, tournèrent dans un couloir obscur... Désormais, Julius et Robin étaient totalement perdus. Tous deux savaient que, sans Louis, ils n'étaient pas capables de retrouver leur chemin. Enfin, leur guide s'arrêta devant une mystérieuse bibliothèque, qu'il paraissait connaître parfaitement, et poussa doucement la porte. Robin, un peu en retrait, put constater la présence d'un écriteau de bois cloué sur la porte :