PROLOGUE

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Juste au moment de sauter du pont , un cri strident déchira l'air en milles petits morceaux de désespoir.

"Nonnnnnn" crié-je à son encontre . Il se retourne et me fixe avec une tristesse épouvantable dans l'âme que ses yeux ne peuvent cacher. Tu dois à tout prix empêcher que cette abominable  tragédie se produise, souffle le bon sens en moi .

Je profite de son moment d'égarement en me voyant pour lui lancer mon regard le plus sincère, un regard larmoyant tout simplement afin de le dissuader de commettre cette énorme bêtise et pour toute réponse je le vois baisser la tête dans le but de fuir ce dernier. 

Je fais un pas , deux mais n'achève guère le troisième lorsqu'il relève sans crier gare sa tête, se retourne vers le néant derrière lui et y pose un pied tout en gardant le deuxième sur la terre ferme.

Cette vue fait arrêter la circulation du liquide rougeâtre comparable au carburant dans cette machine humaine imparfaite qui me sert de corps .

Un second cri plus strident que le précédent prend son ascension dans mes entrailles et est expulsé avec force , blessant sans doute au passage mes cordes vocales d'après les petits picotements que je ressens.

__ pourquoi ?! Me demande t-il toujours en me fuyant du regard.  Je te jure que je ne voulais vraiment pas te faire du mal , notre Dieu là haut en est témoin.  Désoléééééééé, crie t-il dans un élan de désespoir atroce .
Je sais que je ne mérite pas ton pardon . Tu ne sais pas à quel point j'aimerai que tout cela ne soit jamais arrivé ! Je ne peux plus vivre tout en sachant que la femme la plus importante de toute ma vie , celle que j'aime plus que tout au monde et pour qui je serai prêt à donner ma propre vie les yeux fermés , a souffert le martyr à cause de moi.

Aucune, oui aucune parole de ce bas monde ne peut vraiment exprimer ni décrire le minimum de la douleur que je ressens au plus profond de mon être.  Ta haine à mon égard est pleinement justifiée et ... et je sais que je le mérite amplement.

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Je stoppe mon monologue intérieur avant de me lancer dans la discussion, cette discussion dont la vie de l'être en face de moi en dépend.

__Ne dis pas cela , lui dis-je . Tout le monde commet des erreurs, l'important c'est de reconnaître qu'on a fauté et essayer d'arranger les choses . Saches qu'il n'y a rien d'impardonnable sur cette terre lorsqu'il y a la présence de l'amour. Je conçois que tu n'aurais jamais dû me faire une chose pareille mais une chose est sûre et c'est que tu ne l'aurais jamais fait dans un état de sobriété.

J'ai besoin de toi tu entends ? Ne me laisses  pas seule je t'en supplie . Je t'aime et t'aimerai toujours malgré tout, finis-je par lui dire.

__ non ne m'aimes pas , ne m'aimes  plus mais détestes moi comme ça on sera deux.  Le châtiment du péché c'est la mort ! Je m'en vais avec l'esprit et l'âme tourmentés mais de là où je serai , j'espère que tu retrouveras le bonheur que je t'ai volé des années plus tôt.  Mon âme ne reposera jamais en paix mais au moins mon absence de ton monde sera une forme de justice à ton encontre. Finit il par dire d'un ton mélancolique .

"Arrêtes , arrêtes " me mis-je à sangloter à chaudes larmes . Il ne peut pas me faire ça, non pas maintenant, me dis-je à moi-même.  Je te pardonne absolument tout , reviens moi et recommençons tout depuis le début, lui dis-je en lui tendant le bras . Il me regarde intensément sans mot dire pendant quelques secondes qui parurent  durer une éternité pour moi puis se retourne une fois de plus vers le vide derrière lui bien décidé à sauter .

" ne fais pas ça mon amour " dis-je sur un ton suppliant.  Il se retourne à nouveau vers moi , semble hésiter et pose finalement ses deux pieds sur la terre ferme . J'attends qu'il fasse quelques pas en avant pour être sûre qu'il ne risque plus le trépas avant d'accourir vers lui et le prendre dans mes bras .

Il se détache de mon étreinte et se jette à mes pieds en pleurs suivis des mots d'excuses les plus sincères.  Je me courbe à sa hauteur pour le rependre dans mes bras et le consoler .

Profitant de son moment d'inattention et de lamentation, je sors mon portable à l'arrière de mon jean tout en esquissant un sourire narquois . Je le déverrouille et appuie sur un bouton qui représente en quelque sorte le top du départ.

Une petite minute s'écoule avant que je n'entende les sirènes de la police au loin . Je leur ai tout simplement envoyé mon emplacement. 

Les messieurs en tenue respectable qui font trembler les petits enfants et godobés de cette ville sortent de leur voiture et se dirigent vers nous . Arrivés à notre hauteur , je repousse violemment celui qui s'est cru en sécurité dans mes bras puis j'intime l'ordre de l'arrêter et de l'emmener hors de ma vue .

Sous le choc et l'incompréhension de la scène ,  son regard perdu et à la fois désolé vient se poser sur moi , me laissant au passage une petite décharge électrique. 

Il n'a que ce qu'il mérite, me souffle la petite voix dans ma tête qui a la fâcheuse habitude de donner son avis à tout moment .

Les policiers lui mettent les menottes aux mains et l'emmènent  brutalement vers leur bagnole . Je reste immobile à la regarder disparaître dans la noirceur de la nuit avec un grand sourire rempli d'amertume collé sur le visage .

La mort bien qu'elle est atroce , constitue un châtiment bien trop simpliste à mon goût pour venger tout ce que cet être répugnant , abominable, odieux , dégoûtant , maléfique , méprisable , horrible ... m'a fait endurer . Voilà pourquoi je le préfère en vie , oui en vie pour lui transmettre la moindre des douleurs qu'il m'a inculquées dans toute sa grandeur. 

Après des années de recherches je l'ai enfin retrouvé et je compte assouvir pleinement ma vengeance sans le moindre remord ou la moindre pitié dans l'âme.  Il me le payera jusqu'à la dernière goutte de son sang .

Il regrettera de m'avoir si cruellement blesser .

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Portrait DestructeurOù les histoires vivent. Découvrez maintenant