.01.

43 7 4
                                    

Le tout premier chant du coq vient s'incruster dans mes typans, me tirant au passage des si doux bras de Morphée.  Je me retourne sur ma couette non pas pestement mais avec entrain et me voilà en quelques secondes debout, sautillant sur chaque pied à tour de rôle dans notre petite maisonnette.

En me dirigeant vers la petite ouverture qui nous sert d'entrée-sortie , je me retourne pour la énième fois pour contempler cette superbe robe rose en dentelle que ma tante m'a envoyée depuis la capitale BANGUI à l'occasion de la fête de Noël.

Je l'ai déjà essayée plus de mille fois avant aujourd'hui histoire d'être sûre qu'elle me va bien parce que voyez vous on me dit souvent que j'ai une forme de guitare . Ceci n'est pas une insulte mais un somptueux compliment, surtout pour une femme, non une future femme telle que moi de ce village DAPKADO. 

A vrai dire j'ai vraiment hâte de la porter pour l'école.  Je ferai à profusion des jalouses et peut-être que Johann viendra me parler par la suite . Je crois que je suis fortuitement sous le charme de ce garçon; non je ne le crois pas mais c'est vrai . De toute façon qui ne le serait pas à mon âge ? Et en plus de ça il est tellement beau que même le sucre n'hésiterait pas à fondre juste en l'apercevant.  C'est vrai que j'exagère peut-être un peu mais normal quand on a que quatorze ans et que les portes de l'adolescence s'ouvrent aussi grandement à nous .

__Assez blablaté petit cerveau , lancé-je à moi-même en secouant la tête.

Je saute sur les pieds de ma petite sœur plongée dans son sommeil en ronflant comme un buffle puis je passe juste à quelques mètres de mama(maman) pour enfin sortir au grand jour afin de débuter mes travaux domestiques du matin.

La brise du matin vient chatouiller mon visage tout joyeux , me laissant au passage une belle chair de poule dans toute sa splendeur.  À l'accoutumée je ne me lève pas de si bonne heure mais voilà ,il y a des exceptions à tout. 

La dernière fois que je me suis  réveillée à pareille heure remonte au tout début de l'année. L'excitation m'a presque tenue en éveil la moitié de la nuit tellement j'avais hâte de découvrir la salle des troisièmes, ma nouvelle salle et choisir par la même occasion ma rangée et mon table banc au premier rang . Tout ceci paraît bidon mais ça compte énormément pour l'être que je suis .

N'en déplaise que j'aurai pu y aller même à 1 heure du matin si je le pouvais bien sûr mais cela est impossible.  Primo parce que l'école serait fermée et secundo parce qu'une fille bien éduquée ne doit sous aucun prétexte traîner dehors à une heure avancée à moins que ce ne soit une ...prostituée dit-on .

Je me précipite vers le petit hangar qui nous sert de cuisine puis transporte les assiettes sales de la veille  dans une bassine afin de les laver . Il ne me fallut qu'un quart d'heure pour tout finir et enfin balayer la cour avant d'aller prendre une douche bien méritée. 

Après avoir enfilé ma resplendissante robe que j'aime tant , je me mets en route pour le collège saint Eli, oubliant sciemment d'attendre Délia vu qu'elle aime beaucoup dormir et arrive le plus souvent en retard. Je lui ai également laissé la tâche qui revient à mettre l'eau du café de mama Albertine au feu tant elle ira vendre au marché qu'après deux heures.

En dandinant énergiquement sur le sentier du village tout en chantonnant, j'aperçois arriver devant moi une vieille femme toute fatiguée, transportant sur sa tête un énorme sac d'arachide.  Juste à quelques mètres devant elle se trouve un petit trou que ses yeux usés ne voyent sûrement pas, vu qu'elle continue d'avancer en titubant sans chercher à l'éviter.  Le temps pour moi de lui crier de faire attention, son pieds droit atterri brutalement dans le trou , la faisant impitoyablement basculer et jeter à terre dans un grand bruit de boum accompagné par son fardeau.

Portrait DestructeurOù les histoires vivent. Découvrez maintenant