Le lendemain, Thomas se rendit chez Monsieur Boncœur. Son père avait été voir le meunier quelques jours auparavant pour que ce dernier leur prête sa jument, Susy, pour débarder les troncs. Monsieur Boncœur, toujours prêt à rendre service, avait accepté sans contrepartie et Thomas était venu chercher Susy, la jument de trait isabelle. Toute la journée, Monsieur Colville et son fils travaillèrent dur pour dégager les arbres qu'ils avaient abattus. La jument et les hommes étaient mis à rude épreuve. Comme toujours, Monsieur Colville ne laissait que très peu de temps à son fils pour se reposer. Et évidement, quand la fatigue s'en mêle l'accident n'est jamais loin.
Monsieur Colville s'occupait de mener la jument tendis que Thomas dégageait comme il pouvait les troncs pour les atteler derrière la brave bête. Le bucheron était pressé de terminer sa journée et plus le temps passait, moins il faisait attention à son fils. Thomas était en train d'entourer le tronc avec les chaines quand son père claqua la guide sur la croupe de la jument en criant : « Allez, Susy ! » La jument avait alors donnée un puissant coup de collier, les chaines s'étaient tendues en emprisonnant le poignet de Thomas. Il n'avait pas eu le temps de crier qu'un crack ! sec se fit entendre.
« P'pa ! Stop la jument ! Stop la jument !
— Quoi encore ?! »
La jument s'immobilisa, Thomas dégagea son poignet et le serra contre lui : « Tu m'as pété le poignet, putain ! grogna-t-il.
— Tu n'es qu'un idiot ! Incapable d'atteler correctement ! Bah ! Comment je vais faire, moi, pour terminer le boulot ! Incapable ! Bon à rien ! »
Les mots de son père poignardèrent Thomas en plein cœur. Il faisait tout pour rendre service à son paternel, l'aider dans son travail... Il donnait tout pour qu'il soit fière de lui et jamais, jamais, jamais Monsieur Colville n'avait eu un mot gentil pour son fils. Fatigué, étourdi par la douleur, Thomas ne demanda par son reste et pris la direction du village.
Le jeune Colville se rendit au cabinet du Docteur Gray. Ce dernier était en consultation et se fut Caleb, à son plus grand déplaisir, qui s'avança vers lui.
Caleb n'eut pas à poser de questions. Thomas serrait son bras gauche contre lui, il n'y avait pas de doute : « Montre-moi ton bras », demanda t-il. Thomas s'exécuta : « Tu as mal quand j'appuis là ?
— Recommence ça et tu auras mon autre poing dans la figure, grogna Thomas en serrant les dents
— Je prends ça pour un oui. Attends, je reviens.
— Je ne risque pas d'aller bien loin... »
Caleb disparut dans une autre pièce avant de revenir avec du matériel. Il immobilisa fermement le poignet de son patient dans une attèle avant de le bander d'une épaisse couche pour qu'il bouge le moins possible. L'opération fit grimacer Thomas malgré tous ses efforts pour ne rien faire paraitre. Caleb termina son bandage en aidant le jeune bucheron à passer son bras dans une écharpe.
Au même moment, le Docteur Gray sortait de sa salle d'osculation : « Thomas Colville ! Que fais-tu ici ? » Le jeune homme se contenta de lui montrer son bras immobilisé : « Le débardage, c'est ça ?
— Oui, Doc.
— Ce n'est pas facile le travail que tu fais avec ton père. D'ailleurs, comment va-t-il ? Ça fait un moment qu'il n'est pas venu me voir. Une santé de fer cet homme là !
— Bien. »
Comme un semblant de malaise s'installait dans la pièce, Thomas salua le Docteur Gray, remercia Caleb et quitta le cabinet. Le docteur se tourna vers son apprenti : « Tu peux rentrer chez toi, Caleb, tu à bien travaillé aujourd'hui. A demain !
— A demain ! »
Caleb s'élança dehors et rattrapa le fils Colville : « Thomas ! Thomas ! Attends ! » Le jeune bucheron s'arrêta et tourna la tête vers l'apprenti médecin. Caleb cessa de courir, le souffle court : « Tu veux que je te raccompagne ?
— Non.
— Arrête d'être aussi glacial ! Dis-moi, tu viens au mariage de Mathilda et d'Erick ? Juliana se fait du souci pour toi et elle aimerait que tu sois présent... »
Cette déclaration sembla comme choquer Thomas : « Elle s'inquiète pour moi ? Pourquoi ? »
Caleb n'eut pas le temps de lui répondre que Juliana s'avançait vers eux : « Salut, les garçons ! Mais Thomas, qu'as-tu as ?! » Le fils Colville semblait gêner de la situation, il se contenta de dire : « Rien de bien grave... Je serais là au mariage... » et s'éloigna d'un pas pressé.
Caleb se contenta de hausser les épaules, n'y comprenant plus rien.
Thomas pressa le pas pour rentrer chez son père bien qu'en réalité, il redoutait le moment où il passerait la porte de chez lui. Le jeune Colville savait que son père serait furieux de le voir avec un bras en moins. Les inquiétudes de Thomas étaient fondées car quand il rentra à la maison, son père se montra bien peu compatissant envers lui. De plus, il sentait l'alcool à plein nez. « Comment j'ai pus faire un gamin pareil ! cracha-t-il à son fils en le voyant pénétrer dans le salon, une fillette ! Voila ce que tu es, Thomas ! Une fillette ! Un bras cassé ! Vraiment... Qu'elle honte pour le nom des Colville !
— Et toi, l'ivrogne, ça ne pose pas de problème au nom des Colville ? »
Le jeune homme n'eut pas le temps de regretter les mots qu'il venait de dire. Son père se leva et le roua de coups. Thomas se recroquevilla sur lui-même pour protéger son bras meurtri et attendis que la tempête passe.
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Tintecloche, le village maudit (histoire courte 12205 mots)
TerrorTintecloche, petit village isolé et pittoresque, vis aux rythme des saisons. Mais tous les ans, à l'approche du dernier jour d'octobre, les villageois se terrent dans l'église du village attendant le passage terrifiant des ombres du passé... Mais ce...