Partie 08

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Tout le monde, à Tinteclcohe, garde un souvenir très précis de cette soirée-là. Tous les villageois étaient rassemblés dans l'église, les mères serraient leurs enfants contre elles et tout le monde attendaient qu'Ils arrivent. Sur le parvis, le Père Salomon, Caleb et Juliana attendaient de voir arriver Monsieur Colville et son fils. La nuit était calme et glaciale, pas une étoile ne brillait et la brume envahissait les rues. Le Père Salomon brandissait une lampe tempête qui éclairait à peine dans cette purée de pois. Caleb serrait entre ses doigts ceux de Juliana, inquiète pour Thomas. Il n'y avait pas un bruit, pas un souffle de vent. Puis, soudain, ils le virent s'avancer vers l'église puis s'immobiliser : « Thomas ! Viens ! » lui cria Juliana. Mais le jeune homme n'en fit rien, son œil était vide. « Viens, mon garçon ! », l'invita le Père Salomon. Mais Thomas restait statique. C'est Caleb, le premier, qui remarqua la substance poisseuse qui recouvrait ses bras et ses vétements et qui goutait sur les pavés : « Qu'est-ce que c'est ? » demanda t-il à voix haute.

Le vent se leva enfin, dissipant la brume. Puis, du fond de la nuit raisonnèrent Leurs murmures désincarnés qui emplissaient unes à unes les rues de Tintecloche : « Thomas, qu'est-ce que tu fous ? » hurla Juliana voyant que le jeune homme ne bougeait toujours pas.

Enfin, le jeune Colville sembla sortir de sa torpeur et ouvrit la bouche : « Ils viennent me chercher... Ils sont le Mal... Ils sont les créatures du Diable... Je suis le fils de Satan... Ils viennent me chercher... Ils viennent me chercher... Je dois y aller... C'est la fin ! A dieu ! A dieu ! »

Thomas pivota sur ses talons avec une décontraction déconcertent en vu de la situation. Puis, il marcha en direction de la nuit noire et disparut. Juliana s'élança à sa suite dans un geste de désespoir. Aussi tôt, Caleb se précipita à sa suite et la ceintura pour la retenir. Ils tombèrent au sol mais Juliana ne cessait de se débattre : « Thomas ! Thomas ! Non ! Ne fais pas ça ! Non ! »

Les murmures des spectres étaient de plus en plus puissants, le vent faisait claquer des volets ici et là, puis des chaines... Et le chant des spectres ne cessait de raisonner dans les rues, de plus en plus fort. Puis, un cri. Un cri si déchirant qu'il aurait réveillé un mort. Un cri à vous glacer le sang. Le cri de la mort, celui qui n'a pas de retour. Le cri de Thomas.

Juliana cessa de se débattre. Le Père Salomon la souleva de terre et la remmena dans l'église, Caleb sur les talons. Des grosses larmes roulaient sur ses joues, silencieusement.

« Fermez les portes ! Fermez les portes ! » hurla le Père Salomon. Monsieur Norbert, Monsieur Hautbourg et Monsieur Boncœur s'affairèrent à verrouiller les lourdes portes. Le Père Salomon déposa Juliana dans les bras de son père avant d'aller asperger chaque fenêtre et chaque porte avec de l'eau bénite.

Dehors, les spectres tapaient déjà sur les carreaux de leurs mains squelettiques, appuyant Leurs hideux visages monstrueux sur les vitraux pour observer à l'intérieur. Les villageois se mirent à hurler de terreur et le Père Salomon à psalmodié : « Allez-vous-en, créatures de Satan ! Vous n'avez votre place dans la maison du Seigneur ! Dieu nous protège ! »

Cela dura bien deux heures, deux heures de terreur où tout le monde se serrait les uns contre les autres, n'osant regarder par les fenêtres de peur d'y voir cette nuée de spectres diaboliques et monstrueux, vestiges de cadavres en décompositions dans les tombeaux les plus reculés des environs.

Dans l'agitation, Monsieur Norbert tentait de rassurer les villageois et passait de petit groupe en petit groupe pour vérifier que personne n'avait besoin de rien : couverture, eau, vétements chauds. Caleb avait rejoint Juliana auprès de sa famille. La jeune fille pleurait et se réfugia aussi tôt dans ses bras quand elle le vit. Caleb la serra contre lui et tenta de l'apaiser du mieux qu'il pouvait.

Ce cauchemar dura toute la nuit. Quand le ciel s'éclaircit enfin, les spectres cessèrent de frapper frénétiquement contre les vitraux et s'éloignèrent avant de disparaitre. Tous les occupants de l'église s'effondrèrent de sommeil les uns après les autres.

Tintecloche, le village maudit (histoire courte 12205 mots)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant