1 : Louïse

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Son teint était pâle, si pâle qu'on la prenait souvent pour malade. Sa peau était fine, ses veines ressortaient tel une carte des fleuves du monde... Elle était belle, d'une telle douceur. On l'a croyait sorti d'un rêve... Son plus grand défaut était sa naïveté, la même que celle d'un enfant qui apprend à peine le sens de la vie. Elle se jouait de tous les soucis, elle riait au visage des ennemis. Elle était grande, il était bien là son plus grand complexe, l'idéologie des femmes petites la plongeait dans une tristesse absolue, elle se sentait seule. Elle avait bien quelques amis, moins naïfs qu'elle, c'était comme leur petite sœur. Elle était couvée, peut-être un peu trop d'ailleurs. Les papas-poules qui l'entouraient l'empêchait d'évoluer. Elle approchait de la vingtaine, un âge où la vie nous fait comprendre qu'elle ne se résume pas seulement à l'école, papa maman et les devoirs mais plutôt à la fatigue de la vie d'adulte, les charges et la routine. Elle cherchait l'étincelle qui permettrait de raviver la flamme. Son homme préhistorique capable de frotter un simple bout de silex sur du bois. Elle avait froid. Sa vie ressemblait à celle de beaucoup trop d'autres humains... Son plus grand rêve : être heureuse. Cela semble simple à réaliser sauf quand le monde nous semble terne et sans saveur.

Elle savait déjà l'homme qu'elle désirait pour le restant de ses jours, c'était lui, Anselme. Elle le connaissait depuis le collège, connaître est un bien grand mot quand on sait que lui ne l'a jamais regardé, ne serait-ce seulement croiser furtivement dans un coin de l'œil. Ce n'était pourtant pas le genre de garçon regardé par toutes les filles, il était tout simple lui aussi. Il vivait maintenant bien loin de chez elle... Il était parti faire ses études dans une autre ville, dans une autre région, en fait même dans un autre pays... Mais ne dit-on pas que les âmes-sœurs se retrouvent forcément un jour ? Là était sa conviction. Elle l'observait souvent sur les réseaux sociaux, de temps en temps un élan de courage voulait la pousser à lui envoyer un message, à commenter une simple petite photo... Elle n'avait même pas oser s'abonner à lui, en fait, elle n'osait même pas le regarder avec son propre compte... Il lui faisait peur, il était si beau pour elle. Il avait les cheveux couleur feuilles d'automne. Ce détail la fascinait, c'était pour elle leur premier point en commun. Elle faisait parfois peur à voir et pourtant il n'y avait là que de magnifiques sentiments, plus purs que l'âme d'un nouveau-né.

De temps en temps, elle rougissait quand elle entendait son nom dans une conversation et pourtant, personne ne se serait douté de son amour inconditionnel pour cet étranger. Elle n'était pourtant pas trop timide, ni trop sociable. Elle aimait tout le monde jusqu'à ce que tout le monde la déteste. Elle vivait dans son monde utopiste.

Ca lui arrivait de sortir avec ses amis dans des bars mal famés. Elle buvait quelques verres et se laissait emporter par le mouvement de la musique. Elle rencontrait bien des hommes pendant ces soirées, des abrutis en rut. Elle les trouvait exécrables... Quelques coups d'un soir et la voilà déjà lassée, ce n'était pas pour elle. Elle voulait de la stabilité, elle voulait être aimée.

Elle était réceptionniste de nuit dans un petit hôtel, perdu dans la campagne. Elle aimait son travail malgré tout, elle restait plantée là, à lire et regarder ses films préférés en boucle jusqu'à six heures et demi du matin pour ensuite laisser place à sa collègue.

C'était calme la nuit, elle n'était pas dans ce fameux musée à la tablette maudite. Le peu de souci qu'elle avait pu y rencontrer étaient quelques grands-parents se retrouvant sans savon, avec une couverture qui grattait trop ou bien, à la limite, quelques couples aussi bien jeunes et frétillants qu'infidèles, venant passer quelques heures dans les dernières chambres de libre.

Parfois, sa tristesse l'emportait dans sa solitude durant ces longues nuits sombres et silencieuses. Elle s'imaginait dans les bras de l'homme qu'elle aimait tant, elle s'assoupissait de temps à autre sur sa chaise grinçante. Elle rêvait d'une vie parfaite comme on en voit dans les films ou dans les livres. Elle ne désirait pas forcément une famille nombreuse, elle désirait une famille soudée.

Elle se remettait souvent en question dans ces moments-là, elle se trouvait trop ci ou trop ça. Sa tête était plongée dans un sentiment de culpabilité, elle s'en voulait de ne jamais oser.

Elle vivait non loin de l'hôtel, dans le même village, elle avait une petite maison suffisante pour elle et une autre personne, une maison avec tout le confort requis et dont on n'oserait se plaindre même si elle passait la grande partie de son temps à l'extérieur. Elle n'aimait pas rester enfermée, elle n'aimait pas être seule. Il n'y avait pas beaucoup de jeunes dans le coin, ses amis vivaient tous un peu plus reculé, vers la ville alors elle se contentait de ses voisins, et des habitants du village : de gentilles personnes âgées qui la voyait comme la petite fille qu'ils rêvaient d'avoir.

Fin d'automneOù les histoires vivent. Découvrez maintenant