Krome, le jeune roi du pays de Brasse, se dirigea vers la fenêtre de sa cellule. Emprisonné dans le donjon du château royal de Drude, il examinait le monde qui se dessinait au travers de ce cadre qui lui en donnait une vision bien restreinte. Cette situation n'avait été que trop familière au cours de sa vie. Krome avait été enfermé durant toute sa jeunesse dans le palais de son père ; homme paranoïaque, il avait eu peur que son fils pût être manipulé par un noble habile de sa langue ou encore pire qu'il eût été assassiné par son oncle. A la mort de son père sa situation n'avait pas changé puisqu'il fut aussitôt fait prisonnier par le prince d'un autre pays. Son rêve d'enfant de découvrir le monde avait pu néanmoins s'assouvir grâce au trajet parcouru lors de son enlèvement. Cependant il se disait qu'il pouvait voyager davantage. Le prince Prestois l'avait enlevé pour l'échanger contre la vie de sa fiancée aux prises de l'impératrice Marista. Le jeune roi de Brasse étant son petit-fils, elle ne pouvait pas l'abandonner au profit d'une tactique militaire reposant sur une simple... vie.
- Bientôt, bientôt je pourrais voir le soleil que je n'ai vu que trop peu de fois depuis lors. Je me roulerais sur l'herbe verdoyante des champs de campagne comme n'importe quel vagabond possédant plus de liberté que je n'eus jusqu'à alors ! s'exclama-t-il en agitant les bras.
Krome circula dans sa cellule avec entrain, se visualisant déjà être dans les champs. Soudain il entendit un rire provenant de la porte grillée. Un vieux soldat se présenta devant elle, un certain cynisme débordait de son visage. Ses yeux bleus se remplissaient de joie à l'expression interloquée du roi. Le soldat insista auprès de lui pour qu'il eût continué de s'exciter. Le roi de Brasse ne parvenait plus à exprimer son bon sentiment. La réalité présente lui était revenue en tête avec l'arrivée du soldat. Il était incapable de penser à quoique ce fut d'autre. Il transpirait à profusion et essayait tant bien que mal de reprendre son calme. Ce vieillard l'avait scruté pendant un instant d'exaltation. Il a partagé avec lui un moment qui se voulait personnel, réservé à lui seul. Il avait déjà souillé cet instant de solitude mais cela ne semblait pas être suffisant pour lui. Il mit ses mains autour de sa taille puis fixa le roi de sa bouche béante. Il attendait manifestement que le roi se gesticula devant lui. Ne supportant pas l'attente, il prit son fouet et le claqua contre le sol.
- Danse veux-tu ? dit-il d'une voix douce. Tu sais le drudien n'est-ce pas ?
Le roi de Brasse se jura que la première chose qu'il comptait faire après sa sortie fut de rassembler une armée pour envahir ce pays. Il eut alors la disposition de se venger de ce vieillard aussi bon qu'il lui semblait. Le roi lui répondit qu'il lui était interdit de lui faire du mal puisqu'il était un otage d'importance. L'homme se rétracta, dissimulant plus profondément son agressivité sous sa malice. Il replaça le fouet autour de sa taille puis reparti en sifflotant. Krome s'assis dans un coin, il soupirait sur sa condition immédiate. Même s'il avait la conviction que sa grand-mère le sauverait un jour, il ne savait pas quand. Peut-être qu'elle retrouverait un petit fils devenu complètement fou en raison de cet emprisonnement prolongé. Au moins dans son palais, lors de son enfance, il était entouré de personnes qui le choyaient. Il avait la possibilité de se promener dans les couloirs ainsi que dans la cour. Ce temps-là était révolu. Krome en devenant roi pensait enfin gagner sa liberté, finalement elle s'était amenuisée. Il songeait au cœur de sa grand-mère déchiré par la vue d'un petit-fils détraqué. Il ne désirait pas que cela se produisit. Le seul moyen était de se détacher de tout ce qui pouvait l'ébranler et de s'attacher à ce qui le mettait en joie, la vie royale qui l'attendait. Krome s'imagina être revenu dans son royaume accompagné de cette tendre grand-mère qu'il n'avait pas vu depuis des lustres. Le pays entier aurait festoyé le retour de leur roi. Les plus fidèles de ses sujets eurent penché le dos en le voyant arriver sur la place. Un banquet en son honneur eut été fait au palais. Au terme de celui-ci, il se serait blotti contre le lit qui était autrefois celui de son père. Mais après cela il devait tenir son rôle de roi, il se jugeait trop étourdi pour diriger le royaume comme il le fallait. A quoi bon que le peuple se fût réjoui de son retour s'il ne savait pas administrer le royaume ? Il est vrai qu'il avait été élevé pour accomplir cette tâche et avait eu de nombreux instructeurs. Toutefois il n'était pas très attentif. De plus, la théorie n'avait rien à voir avec la pratique, en effet la position dans laquelle il s'était retrouvé le prouvait. Néanmoins il eût cherché des conseillers plus compétents pour le soutenir grâce au discernement de sa grand-mère. Avant tout cela, il voulait parcourir l'empire de sa grand-mère, s'arrêter dans différents lieux pour les visiter lors du chemin de retour. Sa volonté était de profiter du monde comme il se doit. Agir de cette façon alors que son peuple l'attendait eût été faire preuve d'égoïsme. Il était roi, il pouvait tout de même profiter un peu de son statut. Il était de l'ordre du roi d'être plus libre que les autres hommes ; tant qu'il remplissait son devoir par la suite cela ne pouvait pas être un mal, pensa Krome.
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La Jeunesse du roi Krome
General Fiction"Le jeune roi du pays de Brasse se dirigea vers la fenêtre de sa cellule. Emprisonné dans le donjon du château royal de Drude, Il examinait le monde qui se dessinait au travers de ce cadre qui lui en donnait qu'une vision restreinte. Cette situation...