Chapitre 1

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Le temps était sombre. Au-dessus du château se baladaient les nuages qui cachaient la lueur de la lune par moment avant qu'elle ne réapparaisse pour arroser de sa lumière les tuiles brillantes de la grande bâtisse. Grande était un si petit mot pour décrire le château. La reine attendait sur le balcon, ses mains fermement serrées sur le garde-corps. La nouvelle avait fait le tour du village en matinée. La jeune princesse était blessée. C'était là, la raison de son attente.

Une attaque vaine de la part d'un ennemi, une dague en Shiva lingam dans le ventre d'une enfant de quatorze années à peine. C'était un acte tendancieux, un acte de guerre. Il était ironique que ce soit ce minerai qui soit choisi. La pierre était réputée pour le pardon et l'oubli de la rancœur. La planter dans le ventre d'une innocente et naïve enfant prouvait que la personne qui avait fait ceci devait être sacrément sotte. Quelle absurdité.

Héracléa était pourtant une cité calme, la reine Mathilde était si douce et tolérante, son mari le roi Bastien la soutenait avec tout l'amour du monde. Un pays prospère, jusqu'à aujourd'hui. Depuis cinq ans, les rois n'étaient plus au pouvoir, il s'avérait être mauvais pour gouverner. Les reines étaient celles au pouvoir désormais. Elles choisissaient l'homme qui les accompagnerait dans la royauté et n'étaient plus forcée de se marier des seize ans à un parfait inconnu. Ce temps était révolu. A présent, tout était différent et ça ne plaisait pas à une bien petite partie de la population. Un échantillon de nigaud prêt à risquer une guerre par machisme. L'égalité des sexes menaient encore à de grandes discussions dans certaines contrées.

Au loin un cheval apparut, galopant vers l'entrée de la somptueuse demeure. Une femme était installée sur celui-ci, ses cheveux blonds voguant au rythme des coups de sabots sur le sol poussiéreux. C'était celle qui était attendue au palais. Eurydice tira sur le guide d'un mouvement maitrisé pour passer les portes qui s'étaient ouvertes sur son passage et qui se refermaient déjà. Quand son cheval ralentit enfin, bien têtu de ne pas l'avoir fait avant, elle sauta de son fidèle animal, étendant ses muscles douloureux.

Sa tenue était en grande partie constituée de cuir noir qu'elle avait acheté au marché. Une nouvelle tenue qui lui allait particulièrement bien. Un pantalon de cuir fermé par une ceinture à poches remplies de ses outils personnels. Une pince, un couteau et quelques lotions ou herbes dont elle se servait. Son haut était tout aussi serré et sombre, enfermant sa poitrine et se laçant dans son dos. Laçage qui était caché par sa veste fermée par un Brandebourg aux perles blanches. La reine en personne vint l'accueillir. Les douces mains gantées de soies blanches vinrent sur celle de la guérisseuse.

-Ma chère...merci pour le déplacement! Ma fille souffre tellement.

L'inquiétude se lisait sur les traits de la femme qui cherchait une lueur d'empathie dans le regard de celle qui venait l'aider. Aucune trace d'une quelconque émotion ne sillonnait le visage sévère d'Eurydice. C'était là le malheur d'avoir ce don.

-C'est donc vrai...les dieux vous ont enlevés toutes émotions humaines.

-Croyez-vous que des émotions quelconques me seraient utiles pour sauver votre fille? Il est inutile de ressentir pour sauver une vie humaine.

Il n'y avait dans cette déclaration aucune trace de colère ou de moquerie. C'était ici une simple constatation offerte par une voix aussi douce que le chant d'un petit oiseau mais aussi tranchante que le pic d'une jeune montagne. Cette conversation, si on puit l'appeler ainsi, ne dura pas plus longtemps. Mathilde se mit à marcher dans les grands couloirs aux couleurs chaudes suivie de près par celle qui aiderait peut-être son enfant. Elle le ferait, elle n'était pas réputée ici pour rien. La guérisseuse était rigide en avançant dans le palais. Ce n'était pas la première fois qu'elle mettait les pieds ici et ce ne serait pas la dernière.

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