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𝙲𝙷𝙰𝙿𝙸𝚃𝚁𝙴𝟷.𝟶𝟷
— Kena, viens donc t'asseoir avec nous mon enfant. Le porc de père cache son vice sous un sourire gras. Il n'a pas le choix, elle le sait. Ne comprenant pas ce qu'il l'attend, Kena joue le jeu.
Une fois encore, elle s'assoit et attend. Elle n'a pas besoin de parler pour encourager l'homme à continuer.
— Comme tu le vois, le Christ nous apporte une bonne nouvelle durant ces temps difficiles.
Il se trouve derrière le bureau, debout et fringuant. Les denrées manquent mais l'homme se porte bien. Malgré la guerre, il sait y faire. Dans un coin de la pièce, un autre homme se tient en retrait. Kena ne lui jette pas un regard, se contentant de sentir sa présence réchauffer son dos. La pièce est petite mais de là où elle est, la fille ne voit pas son visage. De toute évidence, elle n'en n'a pas besoin. Elle sait.
— Des émissaires nous sont parvenus durant cette journée bénie. L'homme semble presque trop enjoué pour que cela soit naturel. Kena ne remets, certes, pas en cause la joie que son départ doit lui procurer – cela fait toujours une bouche de moins à nourrir – pourtant quelque chose ne va pas. Tu vas pouvoir retrouver ta terre ma fille, n'est-ce pas merveilleux ?
Figée, la jeune fille ne comprend pas. Sa terre ? Dit-il, comme si elle devait savoir de quoi il pouvait bien s'agir. Sa terre, c'est celle d'ici et de là-bas. Lorsque nous n'avons pas de chez soi, le monde semble être à nous. Et ce, alors même que nous n'avons pas pu en croquer le moindre bout.
— Vous m'envoyez en Mercie ? Demande-t-elle abasourdie. Il fut un temps où cette nouvelle l'aurait enchantée. Aujourd'hui, elle n'arrive pas à y croire et ce, pour toutes les mauvaises raisons.
— Enfin, nous ne t'envoyons nulle part. Soulignant le ton peu enjoué de la jeune fille comme s'il s'agissait d'une atteinte à sa personne, notre Père l'évalue avec dédain. Avec le temps, c'est un exercice qu'il maîtrise parfaitement. Un parmi tant d'autres. Nous nous contentons de te ramener là où tu devrais être, là où est ma place, suppose-t-elle-même s'il n'en dit rien, n'en es-tu pas reconnaissante ?
Reconnaissante, elle ? Comment le pourrait-elle ? Ici ou ailleurs. Une étrangère chez elle, une ennemie ici. Ici ou ailleurs. Seulement, une question demeure. Pourquoi maintenant ?Le mal est à leur porte et voilà qu'il la jette dehors. Une cible mouvante parmi les normands. Et elle devrait se sentir reconnaissante ? Foutaise, Kena ne marcherait pas. Pas cette fois.
