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𝙲𝙷𝙰𝙿𝙸𝚃𝚁𝙴𝙸
La chambre est encore silencieuse lorsque la fille ouvre les yeux. Trois petits coups viennent d'être portés contre sa porte. Émergeant d'un sommeil sans rêves, elle se demande s'ils étaient bien réels. En silence, la jeune fille attend. Une pensée lui effleure l'esprit avant qu'elle ne parvienne à la chasser. Ce n'est pas lui. Il est parti depuis longtemps, cela Kena le sait. Çane peut pas être lui, continue de la trahir son esprit. Trois petits coups. Encore. Et le silence, toujours. Sans qu'elle ne cherche à se contrôler, son corps se pose sur ses pieds. Automatisés, il la guide vers ce qu'elle redoute. Un frisson lui souffle de faire demi-tour. Il est trop tard, pense-t-elle, il est venu me chercher.
Le réveil est brutal, bien que nécessaire. Les premiers rayons du soleil qui perlent par la fenêtre, viennent se poser en filets sur les quelques meubles qu'elles sont parvenues à rassembler. La lumière inonde le bois de son impétueux regard ; soulignant au passage la moindre fêlure, la moindre imperfection que le temps a marqué de son passage.
Le jour vient alors de chasser la nuit, il en est terminé du règne des monstres sur celui des princes. Désormais, la vie a pris le dessus et Kena sait qu'elle vient de gagner une journée de plus. Repoussant d'un geste las les draps qui la protège, la fille s'expose à la morsure de l'hiver. Le froid n'est pas là depuis plus de quelques semaines que déjà, la neige s'est fixée au sol et que les courants d'air encouragent le gèle. Les vastes étendues de terre qui entourent le couvent se retrouvent quant à elles striées de cette poudre blanche virginale qui contaminent le sol et fait pourrir la vie. Les récoltes ne seront pas bonnes cette année. Encore. Les pertes sont à prévoir et que se passerait-il lorsque la peur viendrait s'ajouter aux peines ? Et que la faim viendrait contaminer ce qu'il reste ? Ceux qu'il leur reste ?
Enfilant la robe rêche qui lui est concédée, Kena essaye de ne pas y penser. Chargée du culte, elle devrait se tenir occupée durant une majeure partie de la matinée. Parfait. Le monstre est parti aujourd'hui aussi. Dans l'effervescence de cette journée qui commence, la fille reprend peu à peu ses esprits.
— Mauvaise nuit ? Lui demande son amie, alors que son chemin retrouve le sien. Un regard suffit à lui confirmer ce qu'elle sait déjà : Ellen partage sa chambre depuis suffisamment longtemps pour savoir ce qu'il en est.
— Celle de ce soir sera meilleure. Accompagnée d'un sourire complotiste, leurs regards se séparent avant que leur marche ne reprenne. Elles n'ont pas besoin d'ajouter quoique ce soit. Ici, les murs ont des oreilles : mieux vaut pour elles de ne pas trop s'attarder.
Premières arrivées, leurs gestes se font francs et délicats. Les sœurs avaient des demandes qui se devaient d'être exaucées dans les plus brefs délais. Posant sceaux et reliques, les jeunes filles se retrouvent bientôt – plus rapidement qu'elles ne l'auraient désiré – rejointes par les autres. Celles qui, derrière des regards polis et timides, les maudissent en secret. Elles agissent vites et bien, conciliant leurs besoins avec celles qui les encerclent. Prises au piège, elles s'agenouillent en attendant que vienne le Père. La cérémonie suit son cours sans la moindre perturbation. Les sœurs les maintiennent dociles au sein de leurs mains de fer.
