Et puis finalement

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Solía avait quitté Aurélien depuis de longs mois. Elle n'avait pas été capable de regarder qui que ce soit d'autre, changeait de chaîne à chaque fois qu'il apparaissait sur un plateau télé. Elle refusait de le voir, de répondre à ses appels.

Elle en souffrait effroyablement, tout en sachant que lui aussi, bien que la scène lui rendait son sourire. Elle avait déménagé, prit un chien. Elle s'était remise à travailler dans l'anonymat, et elle pensait que ça lui suffisait.

Gringe avait suivit Orel quelques temps sur la tournée et puis il avait fini par laisser tomber, se prenant un appart lui aussi. Ça n'allait pas fort non plus. Il était hanté par Léona.

Ils ne s'étaient vus que pour se rendre des affaires, après la scène du bar. Il n'avait plus prit de nouvelles, avait laissé tombé. Il avait jeté son coeur sur l'autoroute et un semi-remorque était passé dessus.

Solia prenait le tram, tous les matins et tout les soirs, avec son chien. Son travail lui permettait de l'emmener, c'était son assistant. Le cabot semblait aimer la vie pour deux.

Aujourd'hui, elle avait vissé ses écouteurs dans ses oreilles, comme chaque jour, et baladait ses yeux sur les visages des gens. Son chien assis sagement entre ses jambes, rien ne sortait de l'ordinaire.

Elle vit un homme, grand, barbu. Elle plissa les yeux, comme pour mieux le voir. Sa silhouette lui était familière. Il avait les yeux baissés sur son téléphone. Elle s'approcha doucement. Ses cheveux étaient plus longs mais...

- Guillaume ?

L'homme releva le visage vers la rousse, les traits contrariés d'être ainsi perturbé. Solia vit son expression changer, se délier pour passer à la surprise. Elle senti sa gorge se serrer mais ne réussit qu'à sourire en reconnaissant son ami.

- Oh putain, Sol'...

Il lui rendit son sourire, le même, avec les yeux tristes. Il lui fit signe de s'asseoir à côté de lui, la place était libre, son air bougon chassant tous les voyageurs qui se risquaient à convoiter le siège d'à côté.

- C'est quoi ça ? Fit-il en caressant la tête du chien qui accompagnait son amie.

Elle suivit son regard et sourit encore, avant de regarder Guillaume.

- C'est Rocket.

Solia, qu'on avait connu pleine de joie et d'entrain ne parlait plus beaucoup depuis sa rupture. Léona était partie à l'étranger, et à part à sa famille et quelques amis, elle ne parlait plus. Elle savait que ça n'était pas bon, elle était psychologue après tout, mais c'était ainsi.

- Je pensais pas te croiser ici, continua Gringe, trop heureux de revoir son amie.

- Moi non plus.

Elle leva les yeux vers l'écran et vit son arrêt y apparaître.

- Je vais bientôt descendre. Viens manger ce soir. Je t'envoie l'adresse par sms.

Elle ne lui laissait pas le choix, ils savaient tous les deux que Guillaume n'aurait rien de mieux à faire de toute façon.

- Okay. A ce soir alors.

Il la regarda se lever et s'éloigner, pour sortir lorsque les portes du tramway s'ouvrirent devant elle, son chien sur les talons. Guillaume augmenta le volume dans ses airpods et laissa sa tempe reposer contre la vitre froide du tram, le regard dans le vague. 

Solia avait laissé Guillaume pensif. Il avait repassé son apparition en boucle dans son crâne, jusqu'à faire rebondir l'écho de sa voix contre les parois. Il avait trouvé son expression étrange, sa façon de parler expéditive. Solia avait perdu de son éclat, et finalement, ça lui rappela que lui aussi. 

Pourtant, Guillaume avait fait les choses au mieux. Il avait cessé de fumer, du tabac comme le bédo, il s'était même mit à faire la cuisine. Il avait écrit un livre, aussi, avec son frère. Et puis d'ailleurs, il s'était même mis au sport.

Non, vraiment, Guillaume était le même mais en mieux, il le savait. Revoir Solia l'interrogea : avait-il vraiment réussit à devenir meilleur ? Peut-il se vanter d'avoir avancé, alors qu'il souffrait encore si fort ?

Il descendit à son arrêt, et il senti son téléphone vibrer en recevant l'adresse où il serait attendu. Il n'ouvrit pas le message et s'engagea dans une rue, le pas lourd et tranquille. Il n'était pas pressé.

- - - -

Après sa journée de travail, Solia avait été faire quelques courses. Juste de quoi recevoir son ami, faire quelque chose d'à peu près présentable. Elle s'était laissée une heure avant son arrivée pour ranger chez elle. Il fallait dire que son appartement était loin d'être une maison témoin IKEA.

Quand elle entendit la sonnette l'appeler, elle avait les bras chargé de linge sale et propre mais surtout froissé. Elle largua le tout dans un placard et vint ouvrir à son ami, le sourire aux lèvres, retenant son chien par le collier pour qu'il ne lui saute pas dessus.

- Salut !

Banalités échangées, accolade faite, Solia présenta son "humble chez-moi" à Guillaume. Rocket passa son temps à le renifler ou à le fixer exagérément, comme pour lui rappeler que l'intrus, c'était lui.

La soirée passa sans encombre, les deux amis retrouvant leur complicité passée et leurs sourires. Puis vint le moment.

- Tu as toujours des nouvelles de Léona ?

Guillaume avait osé poser la question qui lui brûlait les lèvres depuis si longtemps. Son coeur était plein, gorgé d'espoir, prêt à être essoré comme une vulgaire éponge. Il s'y était préparé.

- Oui, elle est en Grande Bretagne en ce moment.

L'éponge avait gardé son eau.

- Et toi, Aurélien ?

Cette fois-ci, c'était Solia qui attendait les paroles de Guillaume comme un assoiffé près d'une fontaine.

- Il a rencontré quelqu'un, Sol.

Guillaume vit la rouquine hocher la tête calmement, avec un petit sourire contrit. Si Guillaume lui en parlait, ça devait être important. Il fallait que ça le soit, parce que les larmes qui ruisselaient sur ses tâches de rousseur l'étaient, elles.

Le brun se leva, et prit son amie dans ses bras. Il ne l'aurait jamais fait avant. Il l'aurait laissée pleurer tout son soûl devant lui et n'aurait rien su faire. Aujourd'hui, il voulait être meilleur. Alors il prit Solia contre lui, et l'invita à pleurer tout ce qu'elle gardait depuis trop longtemps. 

Cependant, dans la poche arrière du jean de Gringe, il SMS fit vibrer son iPhone.

"Gros, je l'ai quittée. Je crois que j'ai fais une connerie."

J'ai tendance à bloquer. [Fanfic Bloqués]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant