Chapitre Deux

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TW : description d'une crise d'angoisse marquée par le symbole ♪ au début et à la fin.

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“Être seul c'est la chance de pouvoir accueillir” — Bigflo & Oli

Taehyung n'a pas d'ami d'enfance. Pas de souvenir d'anniversaire, ni en tant qu'invité, ni en tant que concerné. Pas de complice avec qui faire les quatre cents coups. Pas de meilleur ami. Pas d'ami tout court, en réalité. Et ce pour une seule raison : il n'est jamais allé à l'école. Depuis tout petit, il est scolarisé à la maison, et la seule personne qu'il voit régulièrement et avec qui il a tissé des liens, c'est son père.

Il adore son père, il a de nombreux souvenirs heureux avec lui... Mais ça ne suffit pas. Taehyung voudrait savoir ce que ça fait, d'avoir un ami, de pouvoir lui raconter ses journées, de lui partager ses peines et ses joies. Taehyung voudrait avoir quelqu'un à qui se confier quand il a besoin de parler. Taehyung voudrait qu'on l'écoute, pas à cause d'un lien de parenté mais juste parce qu'il est apprécié.

Ces années sans aller à l'école, sans parler à grand-monde, font de lui un adulte renfermé, timide, qui ne sait pas comment faire pour tisser des liens. À vingt-trois ans, alors qu'il entre dans le monde du travail, Taehyung est plus isolé que jamais. Son père est resté dans leur petite maison dans le village dans lequel Taehyung a grandi, alors que ce dernier a déménagé dans une grande ville, à quelques centaines de kilomètres de là, parce que c'est le seul endroit où il a obtenu un entretien d'embauche et l'a passé avec succès.

Bien sûr, il appelle son père régulièrement, mais en dehors de lui, il ne parle à personne. Il peut passer plusieurs jours sans utiliser sa voix, d'autant plus que le contrat qu'il a signé ne lui demande que de répondre à des mails, d'interminables lignes rédigées par des clients mécontents. En résumé, les journées de Taehyung sont loin d'être palpitantes, et solitaires en plus de ça. Il ne sort de son minuscule appartement que pour acheter le nécessaire, une fois par semaine, et le reste du temps, il le passe cloîtré dans sa chambre, avec pour seule lumière celle de son ordinateur.

L'entreprise pour laquelle il travaille a bien un siège dans cette ville, mais le bâtiment est en travaux de rénovation, et en attendant d'avoir un vrai bureau, on lui a demandé de travailler depuis chez lui. Pour un premier travail, les conditions sont étranges, mais Taehyung ne s'en plaint pas. Au moins, il gagne de l'argent, et c'est tout ce qu'il demande.

Un jour, il aura assez pour ouvrir sa boutique de fleurs. Quoique, avec le temps, il se demande si ce jour viendra... Mais en attendant il serre les dents et s'acharne à reste poli dans chacune des centaines de réponses qu'il envoie par jour.

Quand il appelle son père, il garde le sourire, retient ses larmes, contrôle au mieux sa voix pour la rendre aussi joviale qu'il voudrait qu'elle soit. Certains jours, il a envie de craquer, de fuir cette ville et sa solitude, ou de briser l'illusion et fondre en larmes au téléphone. Mais il se contient en se répétant que ça ne changerait rien, qu'il ne doit pas inquiéter son père pour rien, qu'il doit tenir, encore un peu, un tout petit peu, juste quelques jours. Dans quelques jours, son contrat est fini.

Sauf qu'au bout de ces quelques jours, on lui propose de prolonger son contrat. Et Taehyung, désespéré, accepte. Il a besoin d'argent, et mine de rien son salaire n'est pas minable, alors tant pis s'il doit passer un peu plus de temps seul, loin de la seule personne qu'il aime, loin de chez lui. Il tiendra comme il a tenu jusqu'à maintenant.

Une semaine plus tard, alors qu'il s'apprêtait à éteindre son ordinateur pour aller se coucher, il reçoit un mail bien différent de ceux auxquels il s'est habitué. Il apprend que les travaux sont finis et qu'il est attendu dès le lendemain matin dans les nouveaux bureaux. Taehyung n'a pas souri depuis des jours, depuis le dernier appel de son père, en fait ; et aujourd'hui ne change rien. Ce qui se dessine sur son visage ressemble plus à une grimace. Il devrait être heureux à l'idée d'enfin rencontrer du monde, de sortir de chez lui, mais il a peur.

Et Ils VécurentOù les histoires vivent. Découvrez maintenant