15 juin
vingt-trois heures, cinquante-neuf minutes, vingt-deux secondesLe liquide ambré traverse à une vitesse affolante mon œsophage, entamant la contamination de mon sang ainsi que la lente destruction de mon corps et de mon esprit. Alors que je me délectais à peine de la sensation de brûlure qui avait pris d'assaut ma gorge, mon corps entra brutalement en collision avec celui d'une autre personne et une pression maladroite se fit sentir autour de mes épaules. Une odeur chimique de cerise me fit retrousser les narines et un bête sourire prit place sur mes lèvres. Sans surprise, mon regard croisa les iris noirs de celle que je considérais comme ma meilleure amie, mon âme sœur.
Rhegan gloussa avant de planter un baiser humide sur ma joue, y laissant probablement une trace de son gloss dont il ne restait que les vestiges. Ses yeux bridés originellement grands ouverts, vifs et attentifs au moindre détail semblaient demeurer dans un état tout autre que la sobriété, à en juger par leur allure fatiguée et la couleur rougeâtre qu'arboraient ses globes oculaires. Consciente que mon apparence était semblable à la sienne, je m'abstins de toute remarque et me contentai de frotter avec le dos de ma main la trace qu'avait laissée son baiser en grimaçant. Elle me tira la langue avant d'approcher ses lèvres de mon oreille. Je me penchai vers elle, tentant de ne pas m'écrouler.
— Plus que vingt-cinq secondes, mon amour! s'écria la rousse dans mon oreille.
À cet instant précis, j'eus la sincère impression de sentir le ciel me tomber sur le crâne. Ou du moins, j'aurais aimé qu'il m'assomme et que je ne me relève jamais. Alors ma gorge semblait considérablement s'assécher, je ne parvenais plus à percevoir le moindre son extérieur. La voix de Rhegan n'était qu'un lointain écho qui n'avait aucune chance de rivaliser avec la fréquence sonore à laquelle mon cœur pulsait dans mes tempes.
Boum. Boum. Boum.
Je voulais juste qu'il cesse de faire autant de bruit. Cela me faisait mal à la tête. Pourquoi ne pouvait-il pas me laisser tranquille? D'où sortait ce besoin de me tirailler de la sorte? Que cela s'arrête, j'ai mal à la poitrine.
Boum.
Je veux qu'il cesse de battre.
Je ne réalisai même pas que le bruit de verre se brisant qui avait réussi à se frayer un chemin jusqu'à mes oreilles était le verre faisant partie de la collection chérie par mes parents, que je tenais plus tôt dans ma main qui venait de s'échapper de celle-ci pour s'écraser contre le sol pour se répartir en centaines de petits morceaux.
Je sentais un creux dans ma poitrine, comme si mon organe vital avait réellement quitté ma cage thoracique pour s'adonner à ce concert sans fin dans mes oreilles, tenant à me rappeler qu'il demeurait uniquement pour s'assurer que mon corps reste en vie mais que mon âme continue de s'éteindre.
Instinctivement, je posai une main sur ma poitrine. Mes poumons me brûlaient, tel un feu ardent qui me consumait de l'intérieur.
Il fallait que je l'éteigne.
Alors que le monde autour de moi commençait à faire le décompte qui me menait vers mon pire cauchemar, je m'éloignai d'eux. Mes jambes me conduisent d'elles-mêmes vers la gigantesque baie vitrée. Comme si mon cerveau s'était mis sur off mais que mon corps continuait de fonctionner, je traversai la terrasse en pierre bleue et me plantai devant la piscine. Sans me laisser le temps de réfléchir, mon corps bascula dans l'eau chlorée et je fus submergée. Peut-être que j'ai tenté de mourir à ce moment-là. Je pense que j'ai espéré que l'alcool en surdosage dans mon sang empêche mes mouvements de se synchroniser et que cela mène à ce que mes poumons s'emplissent d'eau et que je puisse enfin me reposer. Mais lorsque mes pieds butèrent contre le carrelage de la piscine, je compris que je m'en tiendrais au plan initial.
Dans un an, cet espoir deviendra réalité.
Sentant du mouvement autour de moi, je compris que mes invités m'avaient aussitôt rejointe. Ma tête se hissa hors de l'eau et finalement, je constatai que mon ouïe était revenue à la normale. Je sentis les bras fins de Rhegan m'entourer tandis qu'elle me souhaitait un joyeux anniversaire, euphorique.
— Plus qu'un an avant la majorité! hurla-t-elle.
Plus qu'un an avant la liberté.
Alors qu'un sourire des plus sincères se dessinait sur mon visage et que des larmes de joie naissaient dans mes yeux, je sentis un poids sur ma nuque. Je tournai la tête et fronçai les sourcils en découvrant les yeux hazel d'Azarias Wayne, qui m'analysait d'un air indescriptible.
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The last year
Romance𝘥𝘪𝘴𝘤𝘭𝘢𝘪𝘮𝘦𝘳; 𝘷𝘦𝘶𝘪𝘭𝘭𝘦𝘻 𝘭𝘪𝘳𝘦 𝘭𝘦𝘴 𝘛𝘞 𝘢𝘷𝘢𝘯𝘵 𝘥𝘦 𝘤𝘰𝘮𝘮𝘦𝘯𝘤𝘦𝘳 𝘭'𝘩𝘪𝘴𝘵𝘰𝘪𝘳𝘦. 𝙇𝙚𝙨 𝙖𝙥𝙥𝙖𝙧𝙚𝙣𝙘𝙚𝙨. Psychiques ou physiques, certains y dédient leur existence. Entre ceux qui préfèrent croire aux illusion...