Chapitre 2

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Maman n'avait pas tout à fait tort de s'inquiéter, en fin de compte : à cause des embouteillages, nous n'arrivons devant mon lycée que cinq minutes à peine avant la sonnerie de début des cours. Non qu'arriver en retard me pose énormément de problèmes. Cela dit, le plus tôt j'arrive, et le plus de temps je peux passer avec Maël avant le début des cours.

Je me précipite au coin du bâtiment C, mais personne ne m'y attend. Maël serait donc en retard lui aussi ? Je lui envoie un SMS :

Alors, ton bus n'est pas passé ?

J'attends, le portable à la main et les yeux fixés vers le portail du lycée, attendant la vibration qui m'annoncerait une réponse ou, mieux, de voir la silhouette bronzée de Maël apparaître devant moi.

Mais rien. Les lycéens défilent autour de moi sans que je repère mon petit ami parmi eux...

La sonnerie retentit, et je conclus que Maël a dû monter en cours plus tôt. Cela lui arrive quand il a un contrôle, pour avoir le temps de se préparer et de faire des révisions de dernière minute. Ou plus probablement des antisèches, même s'il ne me l'a jamais avoué clairement.

Ce n'est pas si grave, je verrai Maël à la pause de dix heures, voilà tout. Ce n'est rien. Rien, mais cela me contrarie. D'habitude, il me prévient quand il ne peut pas me retrouver le matin...

Je file jusqu'à ma salle, dont la porte est encore ouverte. Pratiquement tous les élèves de ma classe sont déjà là, mais pas madame Mallet, notre professeur de SES. Elle doit encore être en train de faire des photocopies de ses indigestes polycopiés... Ce sont toujours quelques minutes de gagnées sur son cours insipide. Encore un calvaire que je dois à mon cher père : c'est lui qui a insisté par téléphone pour que je prenne la spécialité SES, « une valeur sûre pour mon avenir », en plus d'une spé Anglais pour creuser « mon double héritage culturel ». La blague. Et dire qu'il a réussi à gagner Maman à sa cause... Au moins, en troisième matière facultative, j'ai pu choisir Histoire des Arts. Les cours me parlent bien plus.

Je me dirige rapidement vers ma place, au troisième rang. Au passage, j'ai le droit à un sifflement du groupe de mecs installés au fond de la classe – du genre à se prendre pour les rois du lycée parce qu'ils tapent dans un ballon de foot à chaque pause sans la moindre exception.

— Hé, Caitlin, tu as sorti la jupe ! se permet de commenter Florian, un grand brun que je trouve particulièrement lourd.

— Elle va en avoir besoin, si elle veut...

Je lève les yeux au ciel, n'écoutant pas la suite de leurs remarques. À chaque fois que les beaux jours arrivent, c'est le même cirque : certains des garçons ne peuvent s'empêcher de croire que nous les filles, choisissons nos tenues spécialement pour les aguicher et pas simplement pour nous adapter à la chaleur... Si je m'étais sentie d'humeur courageuse, je me serais retournée pour m'offusquer de leur attitude, mais là, je n'ai juste pas envie de leur accorder la moindre attention. Je poursuis ma route vers ma place : Sarah, ma voisine, est en grande discussion avec les deux filles situées à la table derrière la nôtre, Carla et Justine. J'entends le mot « soirée », et je presse l'allure, espérant glaner quelques potins sur la fête de samedi soir avant l'arrivée de madame Mallet.

Mais Sarah lève la tête, me voit, et s'interrompt brutalement. Justine et Carla se taisent, elles aussi. Machinalement, je lance :

— Salut, les filles !

Sarah tente de prendre un ton enjoué pour me répondre :

— Hey, Caitlin !

Mais il y a quelque chose de faux dans sa voix. Le doute n'est plus possible : elle était en train de parler de moi. Et pas en bien. Malgré cette certitude, je ne dis rien. Je sais que si j'interroge Sarah, j'aurai droit à une réponse vague qui m'énervera plus qu'autre chose. Cela ne devait pas être très important, de toute façon. Sarah et sa bande sont connues pour critiquer les gens derrière leur dos. Et franchement, je m'en fiche bien qu'elles apprécient ou non mon sac ou mes chaussures.

Donne-moi des ailes [Sous contrat d'édition]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant