Perte de vapeur

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La nuit est tombée depuis des heures, par la fenêtre du wagon, le paysage nocturne défilait. Frasier lisait le journal à la lueur des lampes à huile, caressant de temps à autres la fausse moustache qu'il avait collée sur son visage pour passer inaperçu. Jusqu'ici il avait réussi à ne pas attirer l'attention, personne ne lui avait lancé un regard de travers ou n'avait hurlé qu'il était le coupable de tel ou tel crime qu'il n'avait jamais commis. Mais cela n'empêchait pas Frasier d'être nerveux, il avait évité de parler à qui que ce soit, préférant saluer les gens d'un simple hochement de tête. Son visage, voir sa simple présence lui avait souvent valu un nombre incalculable d'ennuis, d'accusations infondées. C'était simple, vous aviez un crime irrésolu dans votre région et Frasier était en face de vous ? C'était lui bien sûr ! Oui le crime avait eu lieu il y a des années et Frasier était là depuis seulement trois jours, mais vous étiez persuadé que c'était lui. Telle est la malédiction de Frasier.

Dans les faits, le jeune homme brun n'avait jamais fait de mal à personne, mais la tendance des autres à le voir comme le plus grand criminel du monde lui avait valu prison, torture, et la perte de toute sa famille. Sa raison de vivre à présent était sa femme, Izoar, et les enfants de celle-ci.

L'anniversaire de leur mariage était d'ailleurs pour très bientôt. En y pensant, Frasier posa la main sur le paquet posé à côté de lui, un objet spécial pour lequel il avait dû sortir du cocon de sécurité dans lequel il vivait. Jusqu'ici cette expédition s'était bien passée, aucune accusation, aucune course poursuite ou agression. Il soupira pour évacuer le stress toujours présent. Par chance, il était seul dans son compartiment, ce qui lui permettait de se détendre en lisant un journal ou en regardant le paysage défiler par la fenêtre. 

En parlant de paysage, Frasier leva la tête vers la fenêtre, puis fronça les sourcils. Rêvait-il ou le train avait ralenti ? Pire ! Il semblait ralentir encore. cette impression fut confirmée lorsque le train s'arrêta complètement au milieu d'un champ d'herbes aussi hautes que des hommes. En ouvrant la porte de son compartiment, il put entendre d'autres passagers se plaindre de cet arrêt intempestif. Jetant un coup d'œil dans le couloir, il vit le conducteur de la locomotive rassurer les passager sur "une simple perte de vapeur".

Il allait retourner dans son compartiment lorsqu'il entendit une voix, une petite voix d'enfant l'appeler depuis le champ de hautes herbes, dehors. Frasier n'hésita pas et descendit du train, la voix se fit plus forte, l'enfant à qui appartenait cette voix pleurait, implorait, appelant désespérément à l'aide :

"À l'aide, je suis perdu, j'ai froid, à l'aide..."

Frasier s'avança vers le champ lorsqu'il sentit qu'on lui attrapait le bras, l'un des poinçonneurs du train le tenait par le bras. Le cœur de Frasier fit un bond dans sa poitrine, craignant qu'il soit arrivé quelque chose et qu'on l'en tienne responsable, ou que le poinçonneur l'accuse d'être un saboteur de trains, un voleur ou il ne sait quoi d'autre.

"Faut pas aller dans les hautes herbes m'sieur." se contenta de dire le poinçonneur. Frasier était soulagé, il dégagea doucement son bras, il ne pouvait pas attendre là sous prétexte qu'il faisait sombre alors qu'un enfant perdu appelait à l'aide.

"Quelqu'un a besoin d'aide" se content a-t-il de marmonner avant d'entrer dans le champ immense qui bordait les voies de chemins de fer. Le regardant partir d'un air triste, le poinçonneur secoua la tête.

"Nous sonnerons trois fois avant de partir, après, si vous n'êtes pas là, nous partirons sans vous"

Frasier se contenta de hausser les épaules, il reviendrait à temps de toute façon, la personne qui appelait à l'aide ne semblait pas si loin.

Le jeune homme au cheveux bruns s'enfonça dans les hautes herbes, perdant très vite de vue le train, la verdure le dépassant d'au moins une dizaine de centimètres.

Petites histoires d'horreurOù les histoires vivent. Découvrez maintenant