[SIX] L e n a

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 [CHAPITRE RÉÉCRIT]

Peut-être étais-je ridicule, peut-être que ma réaction était un peu exagérée, mais je voulais montrer à Charlie Wheeler qu'il ne m'aurait plus, qu'il ne me heurterait plus. J'avais pleuré à cause de lui, j'avais passé des nuits blanches, pensé à la mort, j'avais arrêté d'essayer d'aller vers les autres, à cause de lui. Alors même s'il faisait comme si de rien n'était, – ou alors il n'évaluait pas jusqu'où il était allé, je voulais lui montrer à quel point c'était grave. Sans lui dévoiler les conséquences de son comportement sur moi. Je ne sais pas pourquoi, mais je voulais lui montrer que j'allais bien et que ce qu'ils avaient fait, lui et ses amis, ne m'atteignait plus. Ce besoin me rongeait de l'intérieur. Peut-être étais-je faible ? Tant pis, tant qu'il comprenait.

Il ne m'a pas suivie, et heureusement. Je ne voulais pas qu'il me voie pleurer comme si on m'avait arraché le cœur et qu'un grand vide s'était installé en moi. Comme si j'étais en train de couler, comme si des centaines de pensées s'immisçaient en moi ; et j'étais incapable de les maîtriser. Ça aurait été lui donner raison. J'étais traumatisée par ce qu'il avait fait quatre ans plus tôt. Ses vieux mots tournaient encore dans ma tête dans une affreuse ritournelle et je me souvenais de sa voix à chaque fois que je me rappelais que je n'étais pas à la hauteur. Quatre années n'avaient pas réussi à effacer les cicatrices indélébiles qu'ils avaient laissées sur moi. Qu'il avait laissées sur moi. Et je savais que jamais elles ne partiraient vraiment.

Et, contrairement à ce qu'il pensait, je n'étais pas parano. J'avais seulement peur de ce qu'il pourrait faire. Je savais qu'il était capable de tout.

J'étais tout de même retournée en salle 102. Ma salle de littérature. Notre salle de littérature. Elle me rappelait trop lui, et je détestais la façon dont il était devenu ma priorité en quelques heures.

Non, jamais je ne tomberais amoureuse de lui. Comment pouvait-il envisager cette possibilité après tout ce qu'il m'avait fait vivre ? Il devait forcément sous-estimer la situation, sinon jamais il n'aurait soumis une telle idée.

J'ai pris mon téléphone pour la centième fois durant la soirée. J'ai regardé les barres de réseau sans espoir, et j'ai ouvert grand les yeux quand j'ai réalisé qu'il y en avait une. Je ne saurais décrire le sentiment d'euphorie qui m'a étreinte et le sourire qui a germé sur mon visage. Un maigre espoir de trouver de l'aide. J'ai ouvert à la hâte mon téléphone en prenant soin de ne pas bouger de l'endroit où j'étais assise, au cas où cette sublime petite barre disparaisse, et j'ai appelé Heaven sans réfléchir. Elle était toujours la première personne à laquelle je pensais. Je savais qu'elle répondrait certainement, son cours de boxe était fini depuis trente minutes.

À la deuxième sonnerie, Heaven a répondu. Sa voix était enthousiaste, fidèle à son habitude, quoique teintée d'une légère inquiétude.

— Hav ! J'ai besoin de toi je t'en supplie, ai-je fait, paniquée à l'idée que la communication stoppe, ce qui allait forcément arriver.

— Len, t'es où ? Parce que je suis chez toi et ta mère me harcèle depuis une demi-heure pour savoir où tu es. Et ton père crie que tu t'es une dépravée car tu rentres tard. Ils sont fous.

J'ai levé les yeux au ciel. J'aurais dû m'en douter. Je les reconnaissais bien dans ces mots. Ils ne m'avaient pas appelée et demandaient à une amie où je me trouvais. Ils ne me faisaient pas confiance, je le savais bien, n'empêche que cela restait douloureux, d'autant que je n'avais jamais dérogé à leurs règles. Je suppose que je ne méritais pas leur fierté, tout simplement, quoi que je fasse.

— Il faut que tu m'aides. Je suis au lycée, Hav !

Tant pis pour l'absence d'introduction, il fallait que je fasse le plus vite possible. 

Seulement deux Semaines [EN RÉÉCRITURE]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant